Ancien élève de Sciences Po Paris, aujourd'hui interne en anesthésie-réanimation et président du syndicat des internes des hôpitaux de Paris, Léonard Corti a dépeint dans un ouvrage paru début avril (« Dans l’enfer de l’hôpital », éditions Robert Laffont) le chaos aux urgences de la Pitié-Salpêtrière durant la première vague de Covid alors qu'il est en stage d'internat. Pour « Le Quotidien », le jeune homme de 31 ans revient sur son parcours iconoclaste et livre son regard sur la campagne électorale à la présidence de la République qui, selon lui, fait l’impasse sur les grands enjeux du système de soins français.
« LE QUOTIDIEN » - Comment passe-t-on de Sciences Po Paris à la médecine ? Quel a été le déclic ?
LÉONARD CORTI - À Sciences Po, j'ai adoré l'enseignement théorique. Mais je ne me retrouvais pas trop dans les métiers qui m'étaient proposés après les études. Je n'étais pas tenté par une carrière administrative ou dans la communication politique… Je voulais donner du sens à ce que je faisais. Le déclic, je l'ai eu pendant une année de césure où je suis parti travailler en Afrique. J'ai réalisé à ce moment que médecine, ça me permettrait de me sentir utile à peu près partout !
Vous racontez dans un livre votre vécu d’interne en pleine crise de Covid. Que retenez-vous de ces évènements ?
Le paradoxe du Covid, c'est que ça a été un révélateur à la fois de ce qu'il y a de bon et de ce qu'il y a de pire dans notre système de santé. Durant la première vague, on a vu le meilleur de l'hôpital : quand on laisse les soignants prendre les rênes, ils sont capables de faire des choses extraordinaires en un temps record. Mais la crise sanitaire a aussi révélé qu'on avait en France un gros déficit en matière de politique de santé publique. On a fait face à cette maladie, mais sans jamais en faire une question de santé publique. Or, le Covid, c'est le croisement d'une épidémie virale et de plusieurs épidémies de maladies chroniques. Je le rappelle dans mon livre : toutes les personnes qui étaient en service de réanimation, entre la vie et la mort, étaient hypertendues, obèses ou diabétiques. C'est le résultat d'une politique ultra-permissive vis-à-vis des industries agroalimentaires, de l'alcool et du tabac. On ne prend pas assez la mesure des dégâts causés par la malbouffe, la pollution atmosphérique, les perturbateurs endocriniens, etc.
Quel regard portez-vous sur la campagne électorale à la présidence de la République ? Que vous inspirent les programmes santé des candidats ?
Déjà, que la santé a occupé très peu de place dans le débat public par rapport à l'importance des enjeux. C'est dommage mais cela ne m'a pas surpris. Cela fait des mois qu'on parle de l'hôpital et les gens en ont un peu marre. Les candidats évoquent bien le sujet dans leur programme. Mais en général, ce sont des catalogues qui alignent des mesures sans proposer de vision d'ensemble, de véritable projet pour le système de santé. Quand c'est le cas, par exemple avec La France insoumise, on se rend vite compte que les mesures proposées sont assez irréalistes.
On a beaucoup parlé du conventionnement sélectif dans les zones touchées par la désertification médicale. Qu'en pensez-vous ?
Pourquoi pas… Mais il faut avoir conscience que c'est une arme à double tranchant. Ça peut aussi pousser certains médecins, et notamment certains spécialistes, à se déconventionner pour pouvoir rester dans des zones surdenses. Cela illustre assez bien la complexité des questions de santé. Il est souvent difficile d'y répondre par oui ou par non.
Qu’attendez-vous du futur président de la République ?
Je suis très sceptique sur ce qui va se passer avec l'un ou l'autre des candidats. Ils portent tous les deux des projets de société qui ne me font pas rêver, auxquels je n'adhère pas. Depuis deux ans, les messages envoyés ne vont pas dans le bon sens. Le gouvernement ne prend pas la mesure de ce qui est en train de se passer à l'hôpital public. Depuis le Ségur de la santé, on nous dit que tout va bien. Alors que dans le même temps, on voit le personnel médical partir en masse. Ce n'est pas très rassurant pour la suite. Maintenant, ce qui est sûr, c'est qu'avec Marine Le Pen, ce sera pire qu'avec Emmanuel Macron.
Comment voyez-vous votre avenir, une fois votre internat terminé ?
J'aimerais partir à l'étranger pendant quelques années. Pourquoi pas faire de la médecine humanitaire, participer à des projets de formation par exemple… L'hôpital public, pour l'instant, ça ne me fait pas rêver. Mais qui sait, je changerai peut-être d'avis avant la fin de mon internat.
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