« Qu’avons-nous fait de si grave ? », riposte Serge Grouard, maire (LR) d’Orléans, face à la polémique déclenchée par l’installation d’une fac de médecine privée croate dans sa commune. Dans une tribune publiée dans « Le Monde » ce 10 février, le maire de la cité johannique campe sur ses positions et défend bec et ongles son projet.
Le 27 janvier, Serge Grouard avait révélé avoir signé un accord avec l'école de médecine de Zagreb pour implanter une antenne locale dans la ville du Loiret. Dès la rentrée 2022, une cinquantaine d’étudiants français pourront étudier à Orléans, tout en étant rattachés à cette faculté privée croate, pour la bagatelle de 5 000 à 10 000 euros l’année.
Une hérésie
Alors que la conférence des doyens s’est dite « profondément choquée », par ce « marchandage de la formation médicale », le maire de la commune de 300 000 habitants défend au contraire une démarche « innovante » et « pragmatique » pour lutter contre les déserts médicaux. « Le Loiret compte 63,7 médecins pour 100 000 habitants, écrit Serge Grouard. Ce qui veut dire concrètement qu’aujourd’hui 150 000 habitants du Loiret n’ont pas accès à un médecin traitant ».
Par ailleurs, le Centre-Val de Loire, « n’a sur son territoire qu’une seule faculté de médecine, à Tours, alors que toutes les régions en France en comptent au moins deux », poursuit le maire de la capitale régionale, qui ne compte pas de CHU, « une hérésie contre laquelle les maires successifs de la ville se battent depuis plus de 30 ans ». Quelque 300 carabins sont formés chaque année à Tours, « alors que les besoins se situent à 500, au minimum, par an. Année après année, le désert médical gagne donc funestement du terrain ».
Question de vie ou de mort
Face aux critiques, le maire de la ville se targue d’être le seul à agir. « Faut-il se satisfaire de cette situation infernale alors qu’il est question de vie et de mort ? La réponse est non, bien sûr ». Il conteste formellement les rumeurs d’une formation au rabais, arguant que la fac croate est « reconnue pour l’excellence de son cursus et labellisée "high quality" ».
Alors que les enseignements médicaux seront calqués sur les cours croates, la conférence des doyens craignait en effet une dégradation de la formation médicale. « Notons que des disciplines aussi essentielles que l’immunologie par exemple ne font pas partie de l’enseignement obligatoire », soulignait-elle alors.
Du côté des étudiants, on s’inquiétait du diplôme délivré et du sort des carabins formés par cette filière. « Ils ne seront pas diplômés en France, ils devront passer devant une commission pour espérer obtenir une place dans une spécialité, ou passer les ECN en auditeur libre… », imaginait un représentant syndical étudiant.
Là encore, Serge Grouard coupe court : « Tout a été écrit pour discréditer ce protocole avant même sa mise en œuvre », écrit-il. Il précise « qu’en contrepartie d’une bourse allouée aux étudiants en fonction de leurs ressources, ceux-ci s’engageront à travailler au moins cinq ans à Orléans à l’issue de leurs études ».
Les élus plutôt favorables
« Nous avons bousculé les corporatismes universitaires qui, depuis des décennies, monopolisent le débat dans un entre-soi savamment protégé et qui n’apporte en définitive pas la moindre solution », lance encore Serge Grouard. « Chacun déplore la situation, la regrette, s’en lamente, mais personne n’agit », poursuit l'édile ironisant sur le fait que ni les doyens, ni les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur n’aient été consultés en amont du projet. Un « crime de lèse-majesté », selon lui.
Si universitaires et étudiants sont vent debout contre l’installation d’une école privée sur le sol français, les élus locaux voient plutôt la démarche d’un bon œil. Député du Loiret (LR), Jean-Pierre Door accueille la décision « de façon très favorable, il faut tenter l’expérience ! ». « L’objectif est de faire en sorte que les étudiants formés localement s’installent ensuite sur place, et qu'ils n'aillent pas étudier en Roumanie », justifiait l'ex cardiologue au « Quotidien ».
Également interrogée sur le sujet, le 8 février lors des « Contrepoints de la santé », Stéphanie Rist, rhumatologue et députée LREM du Loiret, s'est déclarée ouverte à la proposition. « Si c’est une solution efficace pour former des professionnels de santé, notamment dans une Europe qui nous est très chère en termes de formation, je ne vois pas pourquoi, par principe, je serais contre », a répondu l'élue.
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