2 000 participants attendus, 18 plénières… Le 20econgrès du Collège national des généralistes enseignants (CNGE) ouvre ses portes ce mercredi 16 juin à Bordeaux, pour trois jours. Filière universitaire, leçons de la crise, internat, fake news… Le Pr Olivier Saint-Lary, président du CNGE, professeur de médecine générale à Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, expose les enjeux d'actualité.
LE QUOTIDIEN : En 2020, la barre des 11 000 maîtres de stage des Universités (MSU) a été franchie. Une victoire ?
Pr OLIVIER SAINT-LARY : C’est effectivement un chiffre important, qui témoigne d’une bonne dynamique. En 2010, il n’y avait que 3 800 MSU en médecine générale ! C’est une croissance très forte, qui se poursuit, malgré la crise sanitaire. On remarque aussi une diversité des profils. Alors que la première génération était plutôt constituée de généralistes bien installés, expérimentés, désormais les jeunes sont de plus en plus nombreux à vouloir devenir maître de stage. Parfois, juste après s’être installés. Néanmoins, 11 000 n'est pas l’objectif final. En 2017, lors des discussions sur la réforme du 3e cycle, le besoin en maître de stage avait été évalué à 12 000. Nous y sommes presque.
Un généraliste maître de stage perçoit entre 300 euros brut mensuels pour l’accueil d’un externe et 600 euros pour un interne, rémunération inchangée depuis 1997…
La revalorisation des MSU est un sujet porté par le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG), qui réclame d’une part que les indemnités soient correctement versées, ce qui n’est pas toujours le cas, et d’autre part de revaloriser cette rémunération, ce qui n’a pas été fait depuis très longtemps. En CHU, la crise a permis de revaloriser plusieurs professions, il me paraît justifié que ce soit également le cas pour les maîtres de stage.
Vous êtes en faveur d’une 4e année pour le DES de médecine générale. Faut-il enfin concrétiser cette phase de consolidation ?
Oui, c’est le souhait des enseignants mais aussi des étudiants. L’objectif est simplement de faire entrer le DES de médecine générale dans le droit commun, comme ce qui était prévu par la réforme du troisième cycle. Pour l’heure, la maquette de médecine générale reste une exception, nous sommes encore en phase transitoire car nous manquons d’encadrants.
Si cette phase de consolidation est mise en place pour la médecine générale, je ne pense pas qu’il soit souhaitable de la faire entrer en vigueur dès la rentrée 2021. Ce serait précipité. Et pour les externes, qui sont en train de passer les ECN, ce ne serait pas souhaitable de leur annoncer que la moitié d’entre eux – ceux qui entreront en médecine générale – ne feront finalement pas exactement l’internat qu’ils imaginaient. C’est pourquoi la rentrée 2022 me semble idéale pour nous laisser le temps de nous préparer, former les maîtres de stage, mais aussi convenir des modalités de rémunération des internes.
En pratique, que changera cette phase de consolidation pour les futurs généralistes ?
Sur le plan pédagogique, c’est un levier très important d’amélioration de la qualité de la formation. Après trois ans d'internat, tous les éléments de compétences ne sont que rarement atteints. Par ailleurs, un rapport de la DREES a montré une corrélation entre le nombre de stages effectués en ambulatoire et l’installation précoce des médecins dans le territoire. Cette quatrième année sera un levier majeur d’installation des jeunes dans les territoires. Je pense que c’est une alternative à la coercition à l’installation, qui n’est pas souhaitable.
Le manque d'enseignants en médecine générale est une problématique durable. Quel est l'état de la filière universitaire ?
En France, toutes spécialités confondues, il y a 5 500 hospitalo-universitaires. Mais la médecine générale ne représente que 1,6 % de ces effectifs universitaires ! Pourtant, en 2009, la loi HPST avait annoncé la nomination chaque année de 20 professeurs des universités, de 30 maîtres de conférences, et ce pendant 4 ans. Ça n’a jamais été respecté.
Nous travaillons à des solutions : l’une des pistes étant d’encourager le recrutement de chefs de clinique territoriaux, financés directement sur les fonds des territoires. Les retours de terrain sont très positifs. Des postes d’assistants universitaires sont également financés par les ARS. Ces expérimentations sont extrêmement satisfaisantes.
Le congrès du CNGE sera l'occasion de revenir sur l'impact de la pandémie sur la médecine générale. Comment avez-vous vécu l'avalanche de fake news, mais aussi la prescription de certains traitements hors des recommandations ?
Il faut préciser que les généralistes ont été très minoritaires à prescrire des traitements ésotériques contre le Covid. Mais effectivement, nous avons déploré des égarements de la part de confrères qui ont amené à des prescriptions inadaptées.
Il faut éviter que ces dérives se renouvellent. Du côté du CNGE, dès le 27 mars 2020 – et en pleine tempête médiatique autour de l’hydroxychloroquine – notre conseil scientifique concluait que "compte tenu de l’absence de preuves scientifiques solides de l’efficacité de l’hydrochloroquine et de ses effets indésirables cardiaques rares mais graves, (nous) recommandons aux médecins généralistes de ne pas prescrire ce médicament en ambulatoire. Cette prescription serait contraire à l’éthique médicale". Nous avons toujours été fidèles à ce niveau-là. Nous avons communiqué pour inciter les généralistes à décider en fonction des données scientifiques et nous avons beaucoup collaboré avec la HAS sur l’élaboration de recommandations.
La plénière d’ouverture du congrès sera consacrée aux inégalités en santé et à la précarité. Pourquoi ce choix ?
Nous avions choisi cette thématique bien avant le Covid en réalité ! C’est une question fondamentale pour les soins primaires, et la littérature montre que le généraliste joue un rôle clé dans la lutte contre les inégalités en santé.
Puis s’est ajouté le Covid, et cette thématique est devenue d’autant plus pertinente. Car le Covid est une maladie socialement injuste, qui touche beaucoup plus les précaires. Le gradient social est très fort. Nous donnerons la parole à des universitaires en médecine générale, qui ont fait des inégalités leurs thématiques de recherche.
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