DANS LE PETIT MONDE des grandes écoles, le débat fait rage depuis le début de l’année. Pour lutter contre la faible représentation des étudiants issus des classes défavorisées sur les bancs de l’ENA, Polytechnique ou HEC…, faut-il instaurer des quotas de boursiers (1) ? Valérie Pécresse, évoquant un seuil de 30 %, a lancé le débat en décembre et le président de la République lui a donné un coup de pouce en réaffirmant lundi dernier, lors de ses vux à l’Enseignement, qu’il était déterminé « à imposer plus de diversité à des grandes écoles circonspectes » (Nicolas Sarkozy a agité le spectre de mesures contraignantes mais écarté toutefois l’idée de quotas « autoritaires » de boursiers).
« Les grandes écoles, ce n’est pas réservé à quelques initiés, ni à quelques enfants de la grande bourgeoisie. Les grandes écoles, c’est pour tout le monde, pourvu que l’on travaille, pourvu que l’on ait du talent », a martelé le chef de l’État qui veut remettre en marche l’ascenseur social (ou la « savonnette à vilains » comme on disait sous l’Ancien régime). Et les facultés de médecine (qui ont attiré à la dernière rentrée près de 50 000 nouveaux étudiants) ? À qui sont-elles réservées ? À ceux qui travaillent ? À ceux qui ont du talent ? Pas sûr que ces conditions, nécessaires, soient pour autant suffisantes.
En effet, pour parcellaires qu’elles soient, les statistiques disponibles sur l’origine sociale des étudiants en médecine dessinent une des – sinon « la » – filières universitaires les plus élitistes (voir tableau, qui intègre la profession dans une plus vaste filière « santé » – médecins, pharmaciens et dentistes). En décortiquant en 2007 l’accès à l’enseignement supérieur en France, l’INSEE a constaté que 53 % des diplômés de médecine nés entre 1958 et 1961 ont un père cadre ou enseignant tandis que 10 % seulement ont un père ouvrier. Des chiffres moins « élitistes » que ceux enregistrés dans les grandes écoles où en 2005, une étude de la CGE (Conférence des grandes écoles) avait établi que près de trois élèves sur quatre (72 %) avaient des parents exerçant des professions intermédiaires, libérales ou bien cadres supérieurs et que 5 % seulement étaient enfants d’ouvriers.
Si l’on veut restreindre les comparaisons au secteur universitaire, l’INSEE montre que chez les diplômés en droit (filière relativement proche de la médecine dans son recrutement), les enfants de cadres ou d’enseignants (nés entre 1958 et 1961) sont 44 % et les enfants d’ouvriers 11 % ; du côté des diplômés en sciences, en revanche, la répartition tourne autour de 38 % (cadres ou enseignants) et 17 % (ouvriers). La polarisation sociale, est donc très marquée en médecine et même, elle aurait eu tendance à s’accentuer au cours des dernières décennies : « Le poids des milieux aisés se renforce pour les études de médecine à partir de la génération 1966-1969 », écrit l’INSEE qui impute en partie ce phénomène à la féminisation de la profession.
En 2006, la DREES (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, au ministère de la Santé) s’est penchée elle aussi sur l’origine sociale des professionnels de santé et a un petit peu affiné les données, confirmant que les médecins étaient d’abord enfants de cadres supérieurs (45 % des cas – 51 % chez les seuls spécialistes libéraux), puis de professions intermédiaires (17 %), d’artisans-commerçants (15 %), d’employés (11 %), d’ouvriers (8 %) et enfin d’agriculteurs (4 %). La DREES a aussi mis en avant une spécificité de la carrière médicale : la reproduction sociale, écrivant que « la forte proportion de médecins issus de familles de cadres et professions intellectuelles supérieures est sans doute due en partie à la forte propension des enfants de médecins à embrasser eux-mêmes (la) profession ». Les médecins restent donc des « fils et des filles de... ».
(1) Selon le ministère de l’Enseignement supérieur, il y aurait actuellement 22,9 % de boursiers en moyenne dans les écoles d’ingénieurs, 11,03 % à Polytechnique, 20,7 % dans les écoles de commerce, 12,3 % à HEC.
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