Après avoir rendu hommage à leur « collègue et amie » Marine, interne en dermatologie à Paris qui s'est suicidée fin janvier, l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) a tenu à témoigner de la souffrance des jeunes médecins dans une lettre à la ministre de la Santé Agnès Buzyn, parue dans le magazine « Elle ».
Pour l'ISNI, le suicide de Marine, « dernier d'une trop longue série », ne fait que révéler l'échec du rôle de protection des acteurs de santé « individuellement et collectivement ». « Cette mission n'est pas échue qu'à certains, elle l'est à chacun de nous, étudiant, interne, médecin, professionnel de santé, hospitalier [...], ministre. C'était notre rôle à tous et nous avons échoué », soulignent les jeunes médecins.
« Empêcher l'idée du suicide »
« Madame la ministre nous avons perdu l'espoir d'être heureux dans notre rôle de soignant et cela est inacceptable », interpelle l'ISNI, pour qui « le bien-être dans notre exercice n'est pas qu'un droit, c'est aussi un devoir, car il n'est pas concevable de prendre soin des autres sans être soi-même en bonne santé physique et psychique ».
Pour la structure, le suicide n'est « pas un aléa, pas un accident, pas une fatalité » et peut être empêché si l'on change notamment le paradigme du système de prévention. Cela passe par « instiller l'idée que le bien-être est possible dans notre exercice », mais aussi par « anticiper les risques avant que le mal-être ne survienne ». L'ISNI demande notamment que soit mise en place une visite médicale pour chaque interne, à chaque semestre et à chaque stage.
Rapport ministériel attendu
Elle appelle également la ministre à « contrôler les abus sur le temps de travail, tant dans sa qualité que sa quantité », via un audit « de la quantité de travail non médical indue aux professionnels de santé ». Enfin, l'intersyndicale demande à ce que « les premiers signes de mal-être » soient mieux repérés. « Chaque acteur de santé devra être formé à percevoir les premiers symptômes qui mèneront à un nouveau drame, et chaque interne dépisté devra être suivi et accompagné », estime l'ISNI.
Elle exhorte par ailleurs la ministre à ce que le rapport sur les risques psychosociaux et la qualité de vie au travail, confié au Dr Donata Marra, soit rendu au plus vite. « Le prix du retard est bien trop lourd », concluent les jeunes médecins. La ministre de la Santé leur a notamment répondu dans un tweet qu'une « discussion constructive » serait engagée au plus vite.
La souffrance des futurs soignants est une préoccupation majeure.
— Agnès Buzyn (@agnesbuzyn) 5 février 2018
Dès la remise du rapport commandé nous réunirons @doyensmed, @ISNItwit, @ISNARIMG, @La_FAGE , @La_FNESI une discussion constructive sur le dépistage, la prévention, et l’amélioration des conditions de formation.
Lundi, l'ISNI a par ailleurs regretté les propos tenus par le Pr Jean Sibilia dans le journal « What's up doc », dans lequel ce dernier indique que les suicides réels des internes sont « très très rares ». L'ISNI a déploré ces propos « tenus par un professeur et doyen censé se préoccuper de la santé des futurs médecins » et qui traduisent un « déni de la réalité » alors que dix internes se sont donné la mort en un an. Un discours qui a également fait réagir les carabins sur Twitter, dénonçant des propos « violents ».
Comment peut on encore croire que le suicide des internes est quelque chose d'exceptionnel quand on en déplore quasiment un par mois ?
— Leslie Grichy (@LGrichy) 4 février 2018
Ces propos sont violents et inadmissibles...https://t.co/utnTMvtbgv
Le nouveau président de la conférence des doyens : “Les suicides réels sont très très rares. Les... https://t.co/oZZuYnb8lR
— gardesetastreintes (@Tumblr_internes) 6 février 2018
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