« Un progrès ». C'est ainsi que François Hollande a qualifié la création du nouveau diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine d'urgence lors de son allocution au congrès des urgentistes le 3 juin dernier à Paris.
La filiarisation de la discipline, actée depuis la parution d'un arrêté le 13 novembre 2015, ne met cependant pas tout le monde d'accord. À un an de la mise en place de ce nouveau diplôme spécifique de 4 ans, des urgentistes et syndicalistes mettent en garde contre de possibles effets délétères à long terme. « Ce DES ne répond pas aux besoins de la population, ni à la problématique de la démographie », affirme le Dr Christophe Prudhomme, porte-parole de l'association des médecins urgentistes de France (AMUF).
Des urgentistes exclusifs et une réduction des effectifs ?
Certains médecins voient d'un mauvais œil la spécialisation de la discipline. L'actuel DESC de médecine d'urgence d'une durée de deux ans, créé en 2004 et ouvert dans une majorité de facultés, est accessible à onze spécialités*. « Demain, le DES formera quelques centaines de médecins urgentistes exclusifs et cloisonnés dans leur CHU », s'insurge Christian, médecin généraliste de la région des Alpes-Maritimes, ancien médecin-capitaine des sapeurs-pompiers, et titulaire d'une capacité en médecine d'urgence. « Cela va limiter considérablement le nombre d'urgentistes et le pays ne pourra plus faire face aux urgences locales », redoute-t-il dans un courrier au « Quotidien ».
Selon le Dr Prudhomme, les instigateurs de ce nouveau DES ne se soucient que de leurs « intérêts personnels » et ont pour « objectif la création de postes de Pr en médecine d'urgence et d'ouvrir de nouvelles carrières à leurs amis. »
Faciliter la reconversion
L'Intersyndicat national des internes (ISNI) ne cache pas avoir eu des inquiétudes au début des discussions. « Nous voulions être sûrs que les internes auraient la possibilité de se reconvertir », explique son président Baptiste Boukebous. Les internes ont obtenu cette garantie auprès des ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur. « La réforme sur le 3e cycle et la loi santé vont faciliter l'obtention d'un second DES », précise le patron de l'ISNI. Pour les partisans du DES, la filiarisation permettra un meilleur suivi des effectifs d'internes et évitera de grignoter sur l'effectif des futurs généralistes dont proviennent aujourd'hui la majorité des urgentistes. « La création de ce DES permettra de répondre précisément aux besoins de formation en médecine d'urgence », conclut Baptiste Boukebous. L'association des jeunes médecins urgentistes (AJMU) abonde en ce sens. « 99 % des urgentistes proviennent de la filière de médecine générale mais le DES n'empêchera pas aux autres spécialités de travailler dans le service d'urgence », explique le Dr Youri Yordanov, président de l'AJMU. Toutefois, à terme, seuls les médecins titulaires du DES pourront assurer la responsabilité d'un service d'urgence.
Un objectif de 500 postes ouverts
L'avenir de la spécialité dépendra en partie du nombre d'internes formés chaque année. Porteur du projet, le Pr Bruno Riou, doyen de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie à Paris et président de la Collégiale nationale des universitaires de médecine d'urgence (CNUMU) est en négociation avec le ministère de la Santé pour définir le nombre de postes d'internes à ouvrir à la rentrée 2017. « En France, le nombre de diplômés en 2014 s'élève à 300, le nombre d'inscrits en 2015-2016 est de 488. J'ai alerté le ministère que le nombre de médecins urgentistes ne pourrait pas être inférieur à 500 dans le cadre du DES. En dessous, la situation démographique pourrait s'aggraver », prévient-il.
*anesthésie-réanimation, cardiologie, chirurgie générale, hépato-gastro-entérologie, médecine générale, médecine interne, néphrologie, neurologie, pédiatrie, pneumologie, psychiatrie
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