CHAQUE PAYS a sa méthode pour sélectionner les futurs médecins. Les Pays-Bas organisent une loterie. Un tirage au sort avec beaucoup de candidats, et très peu d’élus. Les facs américaines testent la capacité d’expression des jeunes. « Nous recherchons des personnes qui combinent les connaissances et la compassion, expose Jules Dienstag, doyen de la Harvard medical school à Boston. Des gens brillants peuvent être dénués d’empathie, et inversement. »
La formation initiale – comme la sélection – diffère d’un pays à l’autre. Les « serious game » remportent un franc succès sur les campus américains. À la manière des apprentis pilotes qui s’essayent sur un simulateur de vol avant de pénétrer dans un vrai cockpit, les futurs médecins testent leurs réflexes grâce à un jeu vidéo 3D (« Pulse »). Tuer son patient virtuel trois ou quatre fois de suite n’engage à rien, mais affine le geste. « Les étudiants sont acteurs de leur formation et non plus dans un cours magistral, leur mémorisation s’en trouve facilitée », raconte Jérôme Leleu, président d’Interaction healthcare.
Le risque d’une dérive vers un enseignement tout numérique ? Un fantasme que balaie Bernard Ramanantsoa d’un revers de manche. Pour le directeur de l’école des hautes études commerciales (HEC), le compagnonnage est irremplaçable. Ce qui ne l’empêche pas d’envoyer ses étudiants dans des simulateurs de vol. Ou en stage à Saint-Cyr, « pour gérer son stress. Ce n’est pas la même méthode que pour construire un business plan », dit-il.
En comparaison, les études médicales françaises paraissent bien poussiéreuses. Pour ne pas dire inadaptées. C’est en tout cas l’avis de ces deux jeunes externes, qui, dans une vidéo (1) diffusée lors de la table ronde, confessent leurs attentes déçues : « Personne, dans notre cursus, ne nous explique le codage, ou ne nous sensibilise à la place financière du chirurgien dans la société. Nous n’avons aucune idée de ce que coûte notre pratique. Est-ce le ministère qui nous emploie, ou pas ? Un dépassement d’honoraires est-il normal, ou pas ? ». Autant de questions sans réponse au terme d’un cursus pourtant très long.
Au quotidien, l’absence de formation psychologique peut poser problème. « Un médecin ne sait pas gérer son équipe ni son propre stress », déplore Christian Le Dorze, le patron du groupe de cliniques Vitalia. Qui regrette la « résistance » du corps médical face à l’évaluation des pratiques. À la décharge des praticiens, l’exemple ne leur a pas été donné sur les bancs de l’université. « Il existe 1 800 facultés de médecine dans le monde. Un quart seulement se prête à un système d’évaluation, observe ainsi Charles Boelen, consultant international en systèmes et personnels de santé. Fabriquer des médecins ayant droit de vie et mort sans évaluation, c’est impensable. On n’accepterait jamais cela dans l’industrie. [Les facs doivent] accepter des normes publiques. »
Les écoles de médecine françaises se sont-elles transformées en tours d’ivoire sous l’effet d’un conservatisme ancien ? Daniel Rougé, doyen de la faculté de médecine de Toulouse, ne pouvait être de cet avis : « Nos étudiants subissent une sélection très dure, mais ils sont quand même bien formés. Et ceux qui échouent au concours sont récupérés par d’autres filières grâce aux passerelles mises en place. » Francis Brunelle, ancien conseiller au ministère de la Santé en charge notamment des études médicales, reconnaît tout de même des limites au dispositif actuel : « Il est important de tester les étudiants sur d’autres plans que leur seule capacité de travail, car ceux qui réussissent (le concours de P1) ne sont pas forcément faits pour le job. (...) On nous a imposé le numerus clausus pour limiter le nombre de prescripteurs. Pour aggraver notre cas, on a filiarisé les études. On a imaginé pouvoir réguler le système dès le départ, avant l’entrée de l’internat. » Une erreur à ses yeux.
Des évolutions sont toutefois à l’œuvre. Plusieurs facultés de médecine développent des laboratoires de simulation, avec l’espoir d’un coup de pouce financier via le grand emprunt. De son côté, la Haute autorité de santé (HAS) a récemment réuni six doyens « pour voir comment enseigner la gestion de l’erreur dans les facs », a précisé le Pr Jean-Michel Chabot, de la HAS.
(1) Toutes les vidéos de CHAM 2010 sont en ligne sur www.canalcham.fr
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