Entre incertitude et assouplissement « inacceptable » : les carabins alertent sur de nouveaux retards dans la réforme du deuxième cycle

Par
Publié le 03/02/2023
Article réservé aux abonnés

Crédit photo : S.Toubon

À neuf mois des premières épreuves, la réforme du deuxième cycle des études de médecine (R2C) sent toujours l’usine à gaz. Une nouvelle fois, les carabins alertent sur le retard pris par cette nouvelle mouture - imaginée en 2017 pour mettre fin « au concours déshumanisant » de l’internat - et les multiples revirements de dernières minutes sur les modalités d’applications.

« Nous dénonçons une réforme qui peine à être finalisée », lance l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) dans une lettre ouverte envoyée le 23 janvier aux ministères de la Santé, de l’Enseignement supérieur, et aux doyens de médecine.

« Les étudiants sont dans une angoisse énorme, dans l’anxiété car ils se rendent compte que la réforme n’avance pas », témoigne Yaël Thomas, président de l’Anemf. Pire : les jeunes voient menacées certaines garanties qu’ils avaient obtenues - comme l’impartialité du jury d’examen -, « ce n’est clairement pas rassurant », souffle l’étudiant en médecine brestois.

L'impartialité des examinateurs menacée

Il y a cinq ans, la R2C promettait de rendre la sélection vers l’internat plus humaine, en remplaçant les angoissantes épreuves nationales classantes (ECN) par un mélange d'évaluations théoriques, via les épreuves dématérialisées nationales (EDN), et cliniques, grâce aux Ecos (examens cliniques objectifs et structurés). Une « forte aspiration pédagogique », désormais mise en péril, déplore l’Anemf.

Pesant pour 30 % de la note finale, ces examens cliniques doivent se dérouler en mai 2024 et mobiliser 2 000 examinateurs. Pour garantir l’impartialité du jury et éviter le favoritisme, l'Anemf exigeait qu’au moins un des deux examinateurs provienne d’une fac extérieure. Une mesure qui est une condition de « l’équité nécessaire à une épreuve classante », martèle Yaël Thomas, rappelant que « cette attente forte des étudiants a été garantie par le Conseil d'État ».

Mais début janvier, face à des difficultés d’organisation des Ecos, la conférence des doyens a annoncé vouloir assouplir ces conditions, en supprimant purement et simplement le principe d’un examinateur extérieur. « Inacceptable », pour l’Anemf qui martèle que « les étudiants ne fléchiront pas sur ce point ». L’association carabine enjoint donc les ministères à ne pas revenir sur ces garde-fous « qui permettent l’impartialité ».

« Il n’est plus permis de reculer »

Second grief : les incertitudes liées au fameux « matching », cet algorithme choisi pour remplacer le classement unique des 9 000 internes déterminant les choix de spécialités et de ville. « Révolution censée valoriser le projet professionnel des étudiants dans leur choix de DES », selon l’Anemf, le matching pondère les notes obtenues aux examens, pour affecter le futur interne dans la discipline qui lui conviendrait le mieux. Par exemple, une bonne réponse à une question de cardiologie pèsera davantage dans le classement si l’on souhaite faire de la médecine cardiovasculaire, vasculaire ou de la pneumologie. Une méthode complexe, mais qui devait aboutir à des classements personnalisés.

Problème, alors que les premières EDN auront lieu en octobre prochain, l’algorithme qui conditionne l’avenir de milliers de carabins « n’a pas été testé dans de conditions réelles », fulmine l’Anemf, qui rappelle que « les étudiants n’ont plus le temps d’attendre ».

« En réalité, l’algorithme n’a même pas été développé, il faut le finaliser ! », exhorte Yaël Thomas. L’association réclame aussi aux pouvoirs publics de fixer des périodes de simulations, pour que les juniors puissent « affiner leurs vœux de spécialités », avant le choix final à l’été 2024.

L’Anemf espère obtenir quelques réponses lundi prochain, à l’occasion d’un nouveau comité de pilotage de la R2C. « Cette réforme a déjà trop souffert de tergiversations et de retours en arrière, alertent encore les étudiants. Il n’est plus permis de reculer. »


Source : lequotidiendumedecin.fr