LE QUOTIDIEN – Bien que les données statistiques ne soient pas très précises, il semble que les études de médecine soient socialement très élitistes. Vous confirmez ?
Dr BUI DANG HA DOAN – On a effectivement peu de chiffres parce que pour analyser ce recrutement, il faut aller chercher dans les dossiers d’inscription. Or les étudiants en médecine font mention de la profession de leurs parents la première année. Mais entre cette première année et le moment où ils sont diplômés, le paysage change complètement ! On sait en particulier que proportionnellement, les enfants des classes moyennes et des classes aisées sont beaucoup plus nombreux en fin de course qu’au début.
Comment expliquer la spécificité de ce recrutement ?
Les études de médecine sont très attirantes. La médecine garde sa réputation de métier lucratif. Mais il faut faire le parcours. C’est très long. Et ça coûte très cher. Sans bourse – et même dans les classes sociales « inférieures », on n’est pas sûr d’en obtenir une –, c’est dur. Alors évidemment, on trouve toujours quelques personnes issues des classes défavorisées qui ont la vocation, qui sont des cracks terriblement accrochés à leurs études. Mais statistiquement, ils sont très peu. Un fils de commerçant reste beaucoup plus rebuté par les études de médecine qu’un fils de cadre supérieur. C’est une histoire financière, il ne faut pas aller chercher plus loin que ça. Le jeune issu d’une classe défavorisée se demandera toujours s’il arrivera à triompher de ce long cursus. Sans parler du fait qu’il sera souvent écarté d’office de ce choix de filière.
Par quel mécanisme ?
Aujourd’hui, même dans le secondaire, il faut des tuyaux. Les lycéens doivent réaliser des petits stages, rédiger des rapports de motivation. Rien que pour ces exercices, les jeunes issus de milieux très défavorisés ont du mal et quand ils voient un conseiller pédagogique, celui-ci ne les oriente pas vers les études de médecine !
Les choses peuvent-elles changer ? On entend aujourd’hui beaucoup de médecins dire « Je ne veux pas que mes enfants fassent médecine », que se passera-t-il s’ils découragent effectivement leur progéniture ?
Je ne sais pas. Ce qui est sûr – mais cela peut-il influencer le recrutement ? –, c’est que à âge égal (disons 40 ans), un médecin d’aujourd’hui et un médecin des années 1970 ne travaillent plus du tout de la même façon. C’est une évidence : on ne travaille plus le samedi, plus le soir après une certaine heure, on ne veut pas assurer les gardes. Le médecin veut être un travailleur comme tout le monde, il ne veut plus être un prêtre.
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