Pourquoi les jeunes se lancent-ils dans les études de médecine ? Et surtout, leur motivation initiale a-t-elle un impact sur le choix de spécialité ? Selon une étude scientifique* française du CEReSS (Centre d’étude et de recherche sur les services de santé et la qualité de vie, Hôpitaux universitaires de Marseille), publiée dans la revue de psychiatrie « L'Encéphale », les motivations scientifiques et humanistes dominent sur les enjeux de prestige ou de revenus – même si des écarts importants sont constatés entre disciplines.
Pour y voir plus clair, 2 003 jeunes médecins des facultés françaises – de la 4e année de médecine aux praticiens thésés depuis moins de deux ans – ont été interrogés sur onze critères de motivation initiale : intérêt scientifique, intérêt pour les relations humaines, sauver des vies, vocation médicale, gratitude des patients, revenu élevé, prestige social, intérêt pour la recherche, présence d'un médecin parmi les proches, influence de séries télévisées ou de films et maladie d'un parent proche (avec choix multiples autorisés).
Les résultats révèlent que la très grande majorité des juniors du panel font d'abord leurs choix de la voie médicale par intérêt pour la science et la biologie (86 %), pour les relations humaines (85 %) et le fait de sauver des vies (68 %). Loin derrière ces critères, les hauts revenus et le prestige sont rapportés respectivement à hauteur de 45 et 43 %, et l'existence d'un médecin parmi les proches est citée à 28 %. « Aucune étude ne proposait ce classement, souligne le Dr Guillaume Fond, psychiatre, chercheur et auteur principal de l'étude. On supposait plutôt que ce serait le prestige ou l'influence d'un parent médecin tout en haut mais les résultats nous montrent que les jeunes médecins ont d'abord des motivations humanistes. »
Sauver des vies, idée qui aiguille les anesthésistes
Pour autant, les spécialités et le niveau d'étude modifient les paramètres. L'intérêt initial pour les relations humaines est beaucoup plus fréquemment signalé par les étudiants en formation, les jeunes médecins généralistes (89,3 %), les pédiatres (89,6 %) et les psychiatres (91,7 %) mais moins fréquemment par les anesthésistes (75,4 %), les chirurgiens (69,5 %) et les médecins de santé publique (50 %). Le critère de motivation « sauver des vies » a été coché de façon prédominante par les jeunes anesthésistes-réanimateurs (86,2 %) et les étudiants.
La quête de prestige social comme source de motivation originelle est citée par plus un chirurgien sur deux (même proportion chez les anesthésistes) mais se réduit chez les généralistes (37 %) et surtout chez les pédiatres (21 %). L'espoir de revenus élevés est davantage évoqué par les étudiants en fin de cursus et par les spécialités techniques (à plus de 45 % chez les chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens) que par les cliniciens (39 % parmi les généralistes et 32 % chez les pédiatres).
Autre enseignement, l'intérêt pour la recherche est deux fois moins rapporté par les généralistes (19 %) que par plusieurs autres spécialités (psychiatres, pédiatres ou chirurgiens, autour de 40 %). « La filière universitaire de médecine générale est plus récente et accuse un retard même s'il y a une dynamique croissante dans les établissements », analyse le Dr Guillaume Fond.
Désillusion ?
L'étude montre également que les étudiants et les internes citent un peu plus souvent que leurs aînés déjà thésés la reconnaissance des patients comme source de motivation initiale, « sûrement le signe d'une certaine désillusion », analyse l'auteur.
La vie sociale et privée conserve une influence relative dans les choix d'une carrière médicale. Plus de 40 % des anesthésistes rapportent la présence d'un médecin parmi leurs proches. Et un tiers des étudiants estiment que les séries et les films ont pesé. « On s'y attendait, ajoute le Dr Fond, mais ces influences sont finalement moins présentes que ce qu'on imaginait. »
*Enquête réalisée auprès de 2 003 jeunes entre le 1er avril 2019 et le 30 juin 2019 par questionnaire en ligne. 42 % étaient des étudiants en médecine, 46,5 % des internes et 11,5 % des jeunes médecins thésés.
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