Les internes en médecine ont-ils été victimes d'une surcontamination au Covid-19 pendant l'épidémie ? Une enquête* réalisée par l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et rendue publique mercredi 17 juin avance des chiffres alarmants.
Sur les 981 internes qui ont répondu au questionnaire en ligne diffusé par le syndicat entre le 4 et le 19 mai 2020, 395 (soit 40,3 %) disent avoir déclaré des « symptômes typiques du Covid-19 ». Sur cet échantillon, seuls 211 (soit 53,5 %) ont pu avoir accès à un diagnostique par PCR ou par scanner thoracique.
Parmi les 395 internes symptomatiques, 56,5 % déclarent n'avoir pas eu accès à un arrêt de travail et ont continué à travailler. « Le fait de ne pas avoir retiré des internes infectés de leur service est incompréhensible », accuse le syndicat. « La France comme d'autres pays économiquement avancés était mal préparée à une infection comme le Covid-19 », peut-on lire dans le rapport d'enquête.
Pour les internes ayant bénéficié d'un arrêt de travail, la durée moyenne était de 8,7 jours. Un cinquième des juniors a été arrêté moins de cinq jours et seulement 5 % ont atteint les 14 jours recommandés. Pour la structure, ces chiffres reflètent la pénurie de soignants à laquelle ont été confrontés les établissements et par conséquent la « volonté des hôpitaux de ne pas se priver trop longtemps d'un personnel médical indispensable ». Les internes représentent en moyenne 25 % du personnel médical des établissements publics de santé en France, ce ratio montant jusqu’à 40 % en CHU, rappelle l'ISNI.
Système D
La pénurie de protection est également pointée dans cette enquête. 64,8 % des répondants déclarent avoir manqué de matériel pendant la crise. Plus d'un interne sur quatre (25,6 %) dit avoir eu recours au système D pour se protéger. « Surblouse en sac-poubelle, réutilisation du matériel à usage unique etc. », énumère l'enquête.
Le témoignage d'une interne marseillaise montre bien les effets de la pénurie dans la prise en charge des patients. « J'ai été appelée pendant une de mes gardes par un patient fébrile, suspect Covid en attente de sa PCR. J'arrive dans le service, sa chambre est grande ouverte et il ne porte pas de masque. Je demande le matériel de protection pour pouvoir l'examiner. Les infirmières me disent qu'il n'y en a plus, ni surblouse, ni charlotte, ni FFP2, ni lunettes… », raconte l'étudiante testée positive six jours après sa garde.
En outre, moins de la moitié des internes (46 %) déclarent avoir eu une formation sur les risques liés au Covid-19 dispensée par l'établissement. Une situation jugée là encore « inacceptable » par l'ISNI.
19 formes graves
Parmi les internes répondant à l'étude et infectés au Covid-19, 19 (soit 4,81 %) déclarent avoir eu des « symptômes sévères ». Les plus fréquents sont la polypnée, les troubles de la vigilance, la déshydratation ou la pneumopathie. 21 internes ont effectué un passage aux urgences à cause de leurs symptômes et cinq ont été hospitalisés en unité conventionnelle Covid-19 avec une durée moyenne d'hospitalisation de deux jours.
L'ISNI insiste sur la nécessité pour les internes contaminés de bénéficier d'un suivi personnalisé auprès de la médecine du travail et demande que tous les étudiants « puissent bénéficier gratuitement et dans les meilleurs délais d'un test sérologique ».
De cette enquête le syndicat tire trois grandes leçons. « Protéger la santé des soignants est un enjeu majeur en période de pandémie » ; « des internes mal protégés et mal formés sur les règles d'hygiène sont un danger pour leurs patients » ; « la France doit prendre la mesure de ses défaillances en matière de contrôle du risque biologique ».
* Réponses de 981 internes à un questionnaire en ligne entre le 4 et le 19 mai 2020
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