Exit les invitations en congrès pour les internes, la prise en charge de leurs déplacements, les sandwichs payés lors de colloques...
Un article de la loi de santé, applicable depuis la rentrée, a considérablement durci les règles du jeu en interdisant à l’industrie pharmaceutique de participer aux frais « d'hospitalité » des étudiants et internes lors de congrès, colloques ou autres réunions à vocation scientifique. Objectif ? En finir avec les « stratégies d'influence » des laboratoires envers les jeunes professionnels et l'« ingérence » de l'industrie de santé dans la formation.
Sur le papier, la jeune génération salue cette volonté d'assainir les relations entre industrie et formation initiale. Mais à l'épreuve de la réalité, la méthode, radicale et non anticipée, est très critiquée faute de solution alternative. En cette rentrée, des dizaines de sessions de formation, séminaires, colloques ou congrès à vocation scientifique concernant des internes ont été annulées dans toutes les spécialités. « N'avons-nous pas jeté le bébé avec l'eau du bain ? », alertait Jean-Baptiste Bonnet, ex-président des internes (ISNI), futur endocrinologue, dans une tribune publiée le 19 septembre dans nos colonnes. De fait, aucun financement alternatif n'a été prévu pour les internes et les étudiants, plongeant les associations de juniors dans l'inquiétude.
La simulation chirurgicale en panne
Dans les spécialités chirurgicales, les fabricants de dispositifs médicaux implantables ont suspendu leurs sessions en direction des jeunes. « La formation en centre de simulation, à l'école de chirurgie ou lors de congrès, est indispensable et nous demande de nous déplacer, se désole le Dr Gabriel Saiydoun, président du conseil national des jeunes chirurgiens (CNJC). Nous devons apprendre les protocoles pour implanter une valve cardiaque ou une prothèse de genou et surtout s'entraîner. L'hôpital ne peut pas nous former à ces technologies. » Dans un communiqué commun avec l'Académie nationale de chirurgie, soutenu par les sociétés savantes et collèges de chirurgie, le CNJC réclame au gouvernement « une réponse à la hauteur des difficultés » pour prendre le relais des financements de cette « vie médicale fondée sur la transmission intergénérationnelle ».
Les spécialités médicales ne sont pas épargnées. En endocrinologie, le séminaire des rencontres nationales des jeunes internes prévu en octobre a été annulé. Faute de subsides, des jeunes ne se déplacent plus aux cours en inter-régions et certains ont été supprimés. « Plus rien n'est pris en charge par les labos et il n'y a pas de contre-propositions », illustre Rodolphe Ledieu, président de l'Union nationale des internes en endocrinologie et diabétologie (UNITED).
Même constat pour les futurs dermato-vénérologues de France (FDVF). Pour des raisons financières, nombre d'internes ne sont pas venus à la session de dermoscopie en septembre, pourtant obligatoire dans la maquette. « Il faut compter un budget compris entre 50 et 100 euros de train et pareil pour l'hôtel », explique Pierre Hamann, président de la FDVF. Le maintien du congrès des jeunes dermatos fixé le 18 octobre a été un casse-tête. « Sans les labos, on accuse une perte sèche de 40 000 euros. Il a fallu trouver une solution d'urgence ».
Les généralistes critiques
Depuis la rentrée, l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) sollicite les représentants de toutes les disciplines pour un état des lieux. « L'impact est variable selon les spécialités et l’importance de la participation des industriels au financement de l’hospitalité », explique Sylvain Gautier, secrétaire général de l'ISNI. Le syndicat fera très rapidement des propositions.
Reste que le soutien financier des laboratoires aux internes fait débat chez les jeunes. L'lntersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) qui vient de clôturer sa deuxième campagne #NoFreeLunch pour sensibiliser les jeunes à l'impact du marketing pharmaceutique dans leur pratique ne partage pas la vision de ses confrères. « On peut se former de manière totalement indépendante à la faculté, avec la littérature indépendante ou par des congrès non financés par les labos », assure Marianne Cinot, porte-parole de l'ISNAR-IMG, qui regrette toutefois l'absence d'anticipation. « La faculté devrait se saisir du sujet car elle est garante de la formation ».
Le Dr Yannick Schmitt, ex-président du Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR), défend une position tranchée au sujet de la formation initiale. « À l'heure de l'ouverture du procès du Mediator, il est plus que jamais indispensable de couper les ponts avec l'industrie pharmaceutique. »
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