Val-de-Grâce : médecins, élus et patients se mobilisent pour sauver l’hôpital militaire

Publié le 14/10/2014
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Crédit photo : PHANIE

Riverains, patients et médecins militaires... tous sont venus en rang serré à la mairie du 5e arrondissement de Paris pour signer la pétition contre la fermeture de l’hôpital du Val-de-Grâce que le ministre de la Défense pourrait annoncer demain.

L’établissement qui accueille les chefs d’État, les personnalités et gouvernants de la planète est aujourd’hui dans le viseur. « Trop grand, trop cher, pas assez utile : des reproches invraisemblables de notre ministre », estime un anesthésiste. « Comment fermer 400 lits et supprimer 1 400 postes sans manifestation ? La culture et la discipline militaire interdisent en effet ces démonstrations. Si pareille décision était prise à l’AP-HP, ce serait la révolution dès le lendemain », affirme un médecin-chef, ému par cette mobilisation.

La maire du 5e en première ligne

Bernard Jomier, adjoint écologiste au maire de Paris, chargé de la santé du handicap et précisément des relations avec l’AP-HP, lève le nez sans prendre parti. « La chute de l’offre de soin brutal attendue à Paris impose de soutenir l’accès en secteur I mais l’offre hospitalière est très nombreuse et impose des restructurations », avance-t-il.

La mairie de Paris se battra-t-elle pour conserver cet établissement ? Pour l’heure, rien n’est joué. Certains services hospitaliers voisins applaudiraient même à l’annonce de cette fermeture « histoire de récupérer ses prestigieux patients », déplore un jeune interne encore en formation à l’école attenante à l’hôpital. « Un lieu d’apprentissage sans égal, qui mérite cette pétition, car il n’est pas question de brader un symbole de la qualité des soins au cœur de Paris », lance Florence Berthout, maire UMP du 5e arrondissement qui monte en première ligne. Selon l’édile, cette décision prise depuis l’Élysée échapperait même au ministre de la Défense. « La grande muette est condamnée au mutisme et se trouve en difficulté au moment de défendre ses propres positions », assène-t-elle en se questionnant sur « le rôle joué par le ministère de la Santé aussi discret que concerné, puisque cet hôpital accueille 80 % de civils ».

Refus du coup de grâce

« Nous avons voulu rejouer la grande rénovation de 1979 en proposant une transformation et réorganisation complète pour s’adapter aux nouvelles situations », explique ce gradé qui nourrit encore le rêve d’un hôpital militaire du Val-de-Grâce modèle. Une référence mondiale sur laquelle les pouvoirs publics ont encore misé très récemment. Il y a moins de deux ans, 1,5 million d’euros ont été investis dans la pharmacie et l’an dernier, la facture de la nouvelle infrastructure du service de médecine nucléaire dont le déménagement est à l’ordre du jour s’est élevée à 5 millions d’euros. Une addition plutôt salée qui pourrait bien ne jamais être rentabilisée.

À l’issue de cette réunion, les langues se délient et les militaires réagissent vivement aux propos tenus dimanche soir à la télévision par le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, selon qui « le Val-de-Grâce ne participe pas à la prise en charge des blessés de guerre ». Faux, explique l’un d’entre eux affirmant que le tiers des rapatriés des missions extérieures y sont pris en charge. Ses équipes de neurochirurgie et d’urologie se seraient par exemple occupées dans la plus grande discrétion des militaires français souffrant de calcul des reins suite à l’exposition aux températures extrêmes au Mali. Des équipes hyperspécialisées font aussi leurs preuves sur le terrain lorsque la France est engagée au sol.

Hôpital rentable

Sainte-Anne, un autre hôpital d’instruction des armées situé à Toulon, et le Val-de-Grâce sont les seuls établissements parmi les 9 hôpitaux militaires dont les recettes ont progressé l’an dernier. L’hôpital Cochin regarde son voisin le Val-de-Grâce avec envie. « Rénové, bien entretenu, l’Assistance publique rêve depuis des années de s’en rapprocher et la mutualisation des équipements lourds le facilite », s’inquiète un médecin colonel qui ne voit pas d’un bon œil le transfert de la neurochirurgie, ou de la chirurgie viscérale « qui reviendrait à dépecer le Val-de-Grâce ». Ce fleuron des hôpitaux militaires fermera-t-il complètement ? Sera-t-il cédé à l’AP-HP ou transformé en lieu de formation et de recherche ? Avec ses équipes rodées à la gestion des crises, le Val-de-Grâce est aujourd’hui un symbole qui vacille.


Les hôpitaux militaires en chiffres

Les neuf hôpitaux militaires gérés par le ministère de la Défense totalisent globalement 2 847 lits. Équipées de 58 blocs opératoires, les 30 équipes chirurgicales peuvent toutes se retrouver en opérations extérieures. Aujourd’hui, leurs patients sont à 74 % des civils, 20 % des militaires et 6 % des ayants droit militaires.

L’hôpital du Val-de-Grâce qui emploie 1 400 personnes est l’un des trois établissements de ce type en Ile-de-France.

Laurence Mauduit

Source : lequotidiendumedecin.fr