Un déplacement au CHU de Poitiers lundi 2 septembre en fin d'après-midi annoncé à la presse tardivement et un communiqué de deux pages très denses dans la foulée.
Sous la pression croissante du mouvement de grève qui secoue les urgences depuis près de six mois et ne faiblit pas malgré les premières annonces en juin, Agnès Buzyn a dû précipiter l'annonce de nouvelles mesures pour tenter d'apaiser la situation. Une deuxième intervention est prévue le 9 septembre après une réunion avec tous les acteurs du secteur.
Alors que, selon le dernier décompte du collectif de paramédicaux grévistes, 239 services d'urgences sont mobilisés, la ministre de la Santé a promis lundi d’« améliorer la situation ». « On a besoin de trouver une solution de fond, pas juste de soigner le symptôme, cette fièvre ressentie au niveau de l’activité des urgences », a-t-elle déclaré lors de sa visite hospitalière.
Pour sortir du « tout urgences », la ville
C'est la raison pour laquelle la locataire de Ségur a lancé cette première salve qui touche non seulement l'hôpital, mais aussi la ville et le médico-social. Autrement dit : l'amont et l'aval des urgences.
Premier grand axe : pour « modérer » les arrivées aux portes des urgences, Agnès Buzyn compte s'appuyer clairement sur la médecine de ville à plusieurs niveaux. Elle propose d'ouvrir « dès maintenant pour les SAMU la possibilité de déclencher, sous certaines conditions, un transport sanitaire pour emmener un patient vers un cabinet de ville ou une maison de santé ». Objectif : « sortir du "tout urgences" auquel sont contraints les SAMU » et apporter un ballon d'oxygène aux soignants urgentistes saturés par l'afflux de patients. « Nous avons enregistré 24 millions de passages aux urgences en 2018, le système flambe ! », avait alerté l'urgentiste et président de l'AMUF Patrick Pelloux, la semaine dernière, devant le MEDEF.
Dans la même stratégie de recours accru à la médecine de ville, les médecins libéraux (cabinets, maisons de santé) pourront « pratiquer directement certains examens de biologie dite "délocalisée" pour permettre au patient de réaliser ses examens dans le même lieu à l'issue d'une consultation et d'obtenir un résultat dans des délais courts ». Ce principe de biologie délocalisée se développe à la faveur de l'émergence des groupements hospitaliers de territoire (GHT) ouverts sur la ville et du phénomène de concentration des laboratoires.
La ministre entend aussi rendre obligatoire le tiers payant (sur la part Sécu uniquement) sur les actes et consultations dans le cadre de la permanence des soins ambulatoires (assurée par les médecins libéraux en cabinet ou en maisons médicales de garde) « pour abolir les freins d'accessibilité financière à cette offre ».
Personnes âgées : filières d'admission directe
Toujours en amont des urgences, des filières gériatriques « mieux traitantes » avec admission directe dans les services de médecine seront « généralisées » dans les hôpitaux et financées dans la campagne tarifaire de mars 2020. Agnès Buzyn a évoqué « une forme de bonus » pour financer ces admissions directes de personnes âgées.
Cette mesure s'accompagnera de la généralisation – elle aussi financée – d'équipement en vidéo-assistance de la régulation médicale de tous les SAMU, « en priorisant les résidents des EHPAD ». L'idée est d'éviter les hospitalisations inutiles pour des pathologies bénignes.
Gestion de lits informatisée
En aval cette fois, Agnès Buzyn promet la généralisation dans tous les GHT de « cellules informatisées de gestion des lits », avec l'objectif de couvrir 50 % des groupements hospitaliers en 2020. À ce titre, la visite des urgences du CHU de Poitiers n'avait rien d'un hasard. Le service du Pr Olivier Mimoz tourne depuis plusieurs années avec une équipe de bed managers chargée de cette logistique complexe. Dans une salle dédiée, des écrans permettent de savoir en temps réel la disponibilité des lits de l'établissement.
Enfin, la ministre de la Santé veut s'appuyer sur les paramédicaux pour « libérer du temps médical » aux urgentistes. Elle a annoncé deux mesures en ce sens : la création dès la rentrée 2020 d'un diplôme d'infirmier en pratique avancée (IPA) pour la spécialité « urgences » (diagnostic à l'aide d'un algorithme, réalisation d'actes techniques en autonomie, prescription d'imagerie) ; l'ouverture aux infirmiers de deux protocoles de coopération pour l'imagerie et les sutures de plaie (rémunérés par la nouvelle prime de coopération de 100 euros brut mensuels).
Des syndicats PH rejoignent le mouvement
Selon Agnès Buzyn, toutes ces mesures « consensuelles » et « remontées du terrain » font partie des préconisations du tandem Carli/Mesnier sur la refondation des urgences. Le choix d'Agnès Buzyn de piocher dans ce vivier d'idées avant même la remise officielle de leur rapport n'est pas anodin.
Ce lundi, six syndicats de médecins hospitaliers ont rejoint le front des paramédicaux. L'AMUF (urgentistes), le Syndicat national des médecins hospitaliers (SNMH-FO), Action praticiens hôpital (APH), Jeunes médecins, SAMU-Urgences de France et le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARe) seront présents à la grande assemblée générale des grévistes le 10 septembre.
Tous réclament un moratoire sur la fermeture des lits, des engagements sur les effectifs, la valorisation des métiers (pour éviter le recours aux contractuels) et la création d'un observatoire national des conditions de travail à l'hôpital. Et de conclure : « Il devient vital d'agir. »
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