« Le système de santé est en tension, ce n'est pas nouveau et c'est toujours le cas plus fortement pendant la période estivale », a défendu ce lundi François Braun dans un entretien au « Figaro ». Mais le ministre considère que les difficultés rencontrées aux urgences cet été sont « moindres » qu'en 2022, en dépit de certains « points chauds » dans plusieurs territoires : la région Centre-Val de Loire, la Bretagne ou la Dordogne, mais aussi les zones à forte affluence touristique. Il estime également que la régulation de l’accès aux urgences a permis faire baisser leur fréquentation de 5 % l'été dernier. Si les appels au « 15 » ont augmenté de 10 %, le ministre assure n'avoir reçu « aucune alerte sur une détérioration des délais de réponse ».
Des déclarations qui contrastent avec celles de son successeur à la tête du Samu-Urgences de France (SUdF), le Dr Noizet. Interrogé ce mardi par « Le Quotidien » sur la situation dans les services d’urgences cet été, il estime qu’il « n’y a jamais eu autant de situations dégradées en France ». Selon le chef du Samu-Smur 68, François Braun « tient des propos rassurants, il fait son travail de ministre. Mais la réalité sur le terrain est différente. On ne doit pas avoir la même focale. »
Des fermetures dans une centaine d’établissements ?
Si le président du SUdF refuse de quantifier le nombre de services fermés ou en tension car la situation « change tous les jours », il observe qu’il « n’y a pas une seule région où il n’y a pas de difficultés ». Une analyse confirmée par le site « Quartier général » qui a passé en revue la presse régionale depuis trois mois pour dresser une liste (non exhaustive) des fermetures d’urgences. Près d’une centaine d’établissements serait touchée.
C’est notamment le cas de la Meurthe-et-Moselle, où l’hôpital privé Nancy Lorraine a fermé définitivement ses urgences depuis le 28 février en raison du manque de personnel. Sur ce territoire, un certain nombre de services sont « en grande difficulté, dont l’ancien service de François Braun » au CHR de Metz, observe le Dr Noizet. À l’image des urgences de Bel-air (Thionville) - 40 000 passages par an - qui va devoir « réduire son activité au strict minimum cet été, c'est-à-dire à l’accueil des urgences vitales ».
L'urgentiste mulhousien se dit d’ailleurs « très inquiet » pour les mois qui viennent, car le gouvernement « n’a pas annoncé de mesures susceptibles de rebâtir le fonctionnement de notre système de santé ». Enfin, il déplore la « résignation » qui gagne face aux fermetures ponctuelles de services d'urgences et à la dégradation de la qualité des soins « de plus en plus rapide ».
La Mayenne en difficultés
C’est notamment le cas en Mayenne, où trois députés - Guillaume Garot (PS), Géraldine Bannier (MoDem) et Yannick Favennec (Horizons) - ont adressé, le 6 juillet, un courrier commun à François Braun pour lancer « un cri d’alarme » sur la situation des urgences dans leur département. Depuis le 26 juin, l’accueil aux urgences est fermé la nuit – sauf urgences vitales – pour l’été dans les trois hôpitaux du département dotés de services d’urgence : Laval, Mayenne et Château-Gontier.
Une « double peine pour tous les Mayennais qui subissent déjà la désertification médicale et sont privés de médecins traitants », dénoncent les parlementaires qui exigent la mise en œuvre qu’une solidarité médicale nationale. Ils réclament également des soutiens médicaux pour rouvrir les services d’urgence, mais aussi des renforts immédiats pour soulager les assistants de régulation du Samu 53. Quelques jours plus tard, 200 Mayennais ont défilé dans les rues de Laval pour protester contre la fermeture (de nuit) des urgences de ces trois hôpitaux durant l’été, rapporte « France Bleu ».
« Amateurisme du gouvernement »
Comme en Mayenne, la régulation préalable (appeler le 15 avant de se déplacer aux urgences) est devenue la règle dans la Manche. Depuis le 3 juillet, « seules les personnes préalablement orientées par le 15 sont accueillies aux urgences » pour « limiter la surcharge » en période de forte fréquentation touristique, explique l'ARS Normandie. À noter que les sept hôpitaux du département (Avranches, Cherbourg, Coutances, Granville, Saint-Hilaire, Saint-Lô, Valognes) sont logés à la même enseigne, « qu'ils soient en situation de tension ou non ».
Une annonce qui a provoqué l’ire du collectif des médecins de la Manche qui dénonce « l’amateurisme du gouvernement dans la gestion des urgences pré-hospitalières ». Dans un communiqué daté du 28 juin, celui-ci évoque les « vicissitudes de ce mode de prise en charge ». D’autant plus que le centre 15 est déjà, selon lui, « sursaturé ». Faute de moyens suffisants, les délais de réponse et, donc de prise en charge, vont donc « s’allonger de façon inacceptable », estiment les praticiens qui alertent sur de nombreux retards de diagnostics, mais aussi des pertes de chance.
Fermetures en Bretagne
La situation est similaire en Bretagne, où plusieurs services d'urgences (l'hôpital de Fougères, CH du Centre Bretagne, etc.) sont contraints de fermer la nuit. Raison pour laquelle l’ARS Bretagne vient de mettre en place un plan d’actions pour faire face aux tensions sur la période estivale. D’ores et déjà, il est envisagé que certains établissements de la région régulent les passages aux urgences (via le centre 15).
Des mesures qui n’ont pas empêché le service des urgences du CHRU Brest-Carhaix de prévoir de fonctionner de manière dégradée jusqu’au 1er septembre, rapporte « Ouest France ». Dans cet établissement, il faudra appeler le 15 avant toute demande d’accès aux urgences tout au long de l’été. « Les médecins régulateurs apporteront une réponse médicale adaptée à chaque patient, et l’orienteront vers différentes prises en charge, selon ses besoins », explique la direction. Quant au service des urgences de l’hôpital de Guingamp (Côtes-d’Armor), il a été réorganisé les nuits du samedi 1er et du dimanche 2 juillet, faute d’effectifs médicaux.
Une problématique que l’on retrouve aux urgences CHU de Rennes, où l’on manque notamment de médecins (trois sur une équipe de 11, certains jours). Dans cet établissement, « on estime entre 15 et 20 % le nombre de lits fermés. Dans certains établissements périphériques, ce sera jusqu'à 40 % du nombre de lits de médecine d'aval qui seront fermés cet été », projette le Pr Louis Soulat, chef des urgences du CHU de Rennes.
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