Les personnels soignants des urgences sont en grève depuis la semaine dernière. Ils déplorent le manque de lits d’aval et de dispositifs en amont et réclament locaux et effectifs supplémentaires. Comment les médecins vivent la situation ?
La baisse de l’épidémie de grippe a eu des premiers effets positifs, mais de façon chronique, nous avons trop de patients pour un service trop réduit. Nous sommes le plus petit service d’urgences de France en nombre de passages par rapport à la superficie [les urgences en enregistrent entre 180 et 200 par jour de source syndicale, NDLR] . Or, plusieurs études montrent que le manque de surface nuit à la prise en charge et pourrait même être dangereux pour les patients. Car nous ne pouvons pas les prendre en charge dans les mêmes conditions.
C’est la raison pour laquelle les médecins, même s’ils ne font pas grève, soutiennent le mouvement. Une dizaine d'entre nous a même participé au sit-in organisé la semaine dernière par FO et la CGT.
La rénovation du service des urgences du CHU de Montpellier est programmée pour 2028, indique la direction. Vous dites que ce n’est pas la bonne réponse. Pourquoi ?
J’ai été chef de service, et démis de mes fonctions en mai 2022 parce que je n’étais pas d’accord sur le plan architectural proposé par la gouvernance du CHU. Nous sommes confrontés à une hausse d’activité de 4 % chaque année pour un service qui a été construit au début des années quatre-vingt. Il y a eu deux projets pour construire de nouvelles urgences : le premier consistait à les rénover pendant six ans, le second à créer un bâtiment neuf extérieur. Tous les deux ont été torpillés.
Résultat, aujourd’hui, nous ne sommes pas face au mur, mais dedans. Nous avons raté le coche et nous payons l’inaction. Dès qu’il y a une vague de patients comme ici pour l’épidémie de grippe, cela déborde de partout. Les urgences sont en tension toute l’année, et explosent à chaque événement.
Dans quelle mesure le CHU est touché par la pénurie de soignants et de médecins ?
FO et la CGT estiment qu’il faut doubler, voire tripler le nombre d'infirmiers et d'aides soignants. Mais, dans le contexte de pénurie que nous traversons, il faut avoir la capacité de les former, de les encadrer et avoir suffisamment de terrains de stage. Nous avons besoin d’anticiper pour être en capacité de recruter du monde et être attractifs.
Côté médecins, nous sommes 64 ETP aux urgences et une dizaine de postes sont vacants. Mais nous sommes vite en difficulté.
Plus généralement, quelle est la situation des urgences autour de Montpellier ?
La polyclinique Saint-Privat de Béziers a été obligée de fermer la nuit. Certaines cliniques doivent même fermer en journée. Les médecins les plus âgés sont tentés de partir travailler ailleurs et les plus jeunes souhaitent en faire moins. Malgré tout, nous voulons continuer de rendre service aux gens.
C’est la raison pour laquelle nous avons créé, il y a près de 15 ans, l'unité de diagnostic et d’orientation rapide de post-urgences Diagora. Chaque jour, ce service prenait aux urgences six patients. Mais petit à petit, Diagora a commencé à prendre des patients en provenance d’autres services. Et nous n’arrivons plus à y recruter non plus.
Le gouvernement mise beaucoup sur le service d’accès aux soins (SAS). Est-ce une solution dont vous voyez déjà les bénéfices ?
Le SAS ne change rien du tout à la pression sur l’hôpital et à la surcharge des urgences. Je ne pense pas que surcharger les lignes du 15 soit la solution. Ce que je constate, en revanche, c’est que le capacitaire des hôpitaux a été réduit pendant des années. Et ça, avec ou sans SAS, nous le payons aujourd’hui.
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