LE QUOTIDIEN : Frédéric Valletoux estime ce mardi que la situation des urgences n’est pas si catastrophique que cela et recense une cinquantaine d’établissements en tension. Partagez-vous cette analyse ?
DR MARC NOIZET : Pas du tout. Comme tous les ans, le ministère de la Santé a une communication édulcorée. L’objectif étant de rassurer la population. Ce sont juste des propos rassurants, qui ne sont absolument pas en lien avec la réalité du terrain. Comme l’argument de la revalorisation des gardes de nuit, avancé par le ministre, qui aurait permis de faciliter le recrutement cet été. C’est complètement faux. La revalorisation existe depuis 2022. Ce sont bien des effets d’annonce, qui se veulent rassurants, alors que la situation est toujours aussi inquiétante.
À combien estimez-vous le nombre réel d’hôpitaux en tension ?
Je ne joue pas au petit jeu des estimations. Nous aurons une enquête, comme tous les ans, à la fin de l’été. Elle a d’ailleurs démarré aujourd’hui et les résultats seront publiés la semaine du 15 septembre. À ce moment-là, nous aurons les vrais chiffres. Ce qui est sûr, c’est que ce ne sont pas seulement cinquante établissements qui sont concernés.
La situation est-elle pire que celle de l’an dernier ?
C’est un curseur. Certains disent que oui. Trévenans, l’hôpital de Nord Franche-Comté, vient de déclencher son plan blanc. Eux disent très clairement que la situation est bien pire que celle de l’année dernière. Laval va devoir fermer tout le mois de septembre la nuit, ce n’était jamais arrivé jusqu’alors. Les situations sont très contrastées mais je pense que si l’on faisait l’accumulation de l’ensemble des établissements, la tendance serait, sans doute, à la dégradation globale.
Quelles solutions préconisez-vous ?
Elles sont plurielles. La problématique des urgences n’est pas la “crise des urgences”. C’est une crise du système de santé qui craque de partout. Et la seule offre de soins non limitée et qui, entre guillemets, n’a pas le droit de fermer, ce sont les urgences. On récupère tout ce que les autres n’arrivent plus à faire. Mais si on renforce l’offre en ville dans sa capacité à gérer ses patients et que les spécialistes gèrent différemment leur file active, on aura moins de patients aux urgences.
Pour moi, la priorité sur laquelle il faut travailler, c’est la fluidité dans les services d’urgence. À l’entrée, il faut mettre progressivement, en fonction de la maturité des territoires, une régulation d’accès aux urgences. Ce qu’on a fait dans l’aigu, il faut le faire de manière pérenne et bien construite avec la ville, pour qu’il y ait une vraie réponse donnée aux patients. On sait que lorsqu’on régule l’accès, on diminue de 15 % à 20 % l’activité dans les services d’urgence.
La deuxième chose, c’est qu’il faut travailler sur la capacité de chaque établissement à pouvoir hospitaliser les patients qui sont aux urgences. C’est une transformation de la logistique de flux de patients, qui ne nécessite pas d’y injecter de l’argent. Des outils existent déjà.
Par exemple ?
Les cellules d’ordonnancement. Elles font en sorte de trouver de la place pour les activités non programmées, à côté de l’activité programmée. Il faut trouver un équilibre entre les deux. Aujourd’hui, l’activité non programmée, celle des urgences, représente 30 % à 40 % de l’activité des établissements. Pour autant, les places ne sont pas sanctuarisées pour ces activités-là.
Quel regard portez-vous sur le développement des services d’accès aux soins (SAS) ?
Le SAS, c’est la première fois que l’hôpital et la ville travaillent main dans la main pour le bien-être du patient. C’est vraiment un dispositif paritaire, où aucun n’est chef de l’autre. Ne serait-ce que ça, c’est un immense changement de paradigme. On est en train de construire des parcours de soins différents, qui mettent le patient au bon endroit. On optimise ainsi l’utilisation du système de santé, qui est fragile aujourd’hui. On manque de ressources autant en ville qu’à l’hôpital. Ce type d’organisation tend également à diminuer les fameux rendez-vous « lapins ».
L’absence de gouvernement, et donc d’un ministre de la Santé de plein exercice, vous inquiète-t-elle ?
Nous sommes en effet dans un no man’s land. Mais cela va se résoudre. Ce n’est pas tant l’absence de ministre qui m’inquiète mais la succession d’un très grand nombre d’entre eux en très peu de temps. Ça veut dire que la ligne directrice en politique de santé n’existe pas. On est sur une fragilité excessive et une absence de vision politique à moyen et à long termes.
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