Un « scandale sanitaire ». C'est en ces termes que le Dr François Braun, président de Samu-Urgences de France, a décrit la situation de surcharge des services d'urgences, à l'ouverture du Congrès Urgences 2018, à Paris.
Depuis le début de l'année, plus de 36 000 patients ont passé la nuit sur un brancard faute de lits d'hospitalisation disponibles, selon le décompte du « No Bed Challenge », dispositif mis en place en janvier par le syndicat qui recueille ses données auprès de 150 services d'urgences participants. « Si on extrapole », suggère le Dr François Braun, à l'ensemble des 650 services du territoire qui ne connaissent pas tous les mêmes problèmes de saturation, « on peut facilement multiplier ce chiffre par trois » et ce sont alors « plus de 100 000 patients » concernés depuis le début de l'année.
Agnès Buzyn a fait le déplacement en personne ce jeudi 14 juin. Devant un parterre de professionnels des urgences, la ministre de la santé s'est employée à rassurer, sans faire d'annonces marquantes.
Des causes multifactorielles
Actuellement, « une centaine de patients » passent encore la nuit sur un brancard, « après un pic à 300 patients » précise le Dr Braun, qui juge la perspective d'une affluence aux urgences cet été comme « un cap difficile ».
Selon son syndicat, qui envisage la création d'un nouvel indicateur pour les « patients qui auraient dû être pris en charge ailleurs et se sont retrouvés aux urgences », les causes de la surcharge sont multifactorielles, avec « en amont », une « défaillance de la médecine de ville à assurer la continuité des soins, poussant toujours plus de patients vers les services d'urgences », et « en aval », une « impossibilité d'hospitaliser facilement des patients ».
Cette surcharge entraîne « une augmentation de la morbi-mortalité de 9 % à trois jours, et de plus de 30 % pour les patients les plus graves, et nous ne pouvons pas l'accepter », a déploré la présidente de la SFMU, le Dr Agnès Ricard-Hibon. Citant les récents drames qui ont marqué les urgences, et notamment celui de Strasbourg, elle a estimé que ces « événements tragiques nous incitent à défendre l'évolution de nos organisations pour une meilleure qualité des soins aux patients ».
Rôle central de la régulation et revalorisation de la visite
La SFMU a ainsi accueilli « avec intérêt » le rapport Mesnier « approfondi et ouvert » sur l'organisation des soins non programmés qui met notamment en avant « le rôle central de la régulation médicale ». « Nous appelons de nos vœux à une plateforme de santé unique faisant coopérer médecins généralistes et urgentistes », assure le Dr Ricard-Hibon.
Elle voit des pistes à suivre dans la mise en place d'un numéro unique et de circuits courts pour le traitement des appels, mais aussi dans l'ouverture, par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, d'une réflexion sur la formation des assistants de régulation médicale (ARM). Dans la perspective d'une meilleure permanence des soins, un appel à la revalorisation de la visite à domicile est également lancé.
Des technologies pour améliorer la régulation médicale
D'autres voies sont explorées par les urgentistes pour améliorer la prise en charge des patients. Des recherches sont menées avec des ingénieurs pour modéliser l'activité des urgences et l'optimiser. Ces outils de simulation « nous permettent de tester de nouvelles organisations » explique le Dr Mathias Wargon, chef de service des urgences-Smur de l'hôpital Delafontaine, à Saint-Denis.
Le recours aux nouvelles technologies sert également à améliorer la régulation médicale et la prise en charge. « Alors que le médecin régulateur avait jusqu'à présent besoin de se faire une représentation mentale de ce qui se passe auprès du patient, il dispose désormais de la possibilité d'avoir une vision réelle du patient et de son environnement. On passe de la régulation médicale par téléphone à la visiorégulation médicale » commente le Dr Joël Jenvrin, responsable médical du Samu 44.
Ségur réitère son soutien au secteur
Déjà présente lors de l'édition 2017 du congrès des urgences, Agnès Buzyn est revenue sur l'année compliquée que le secteur a connue et s'est voulue rassurante pour l'avenir. « Un certain nombre de mesures ont été prises, insuffisamment si l'on en croit le No Bed Challenge, mais nous allons nous améliorer », a-t-elle déclaré devant un amphithéâtre comble.
La ministre s'est félicitée de son action sur le plafonnement de la rémunération des praticiens intérimaires et la mutualisation des lignes de garde. À l'approche de l'été et des tensions hospitalières qui en découlent, la ministre s'est engagée à mener une « réforme globale » sur l'autorisation d'activité de la médecine d'urgence. « C'est ce que nous devons à nos concitoyens afin de répondre aux limites actuelles de notre organisation ».
Seule information nouvelle, l'annonce de la publication, la semaine prochaine, du rapport d'inspection consécutif au drame survenu à Strasbourg le mois dernier.
Article mis à jour à 18h00 (14 juin 2018)
À l’hôpital psychiatrique du Havre, vague d’arrêts de travail de soignants confrontés à une patiente violente
« L’ARS nous déshabille ! » : à Saint-Affrique, des soignants posent nus pour dénoncer le manque de moyens
Ouverture du procès d'un homme jugé pour le viol d'une patiente à l'hôpital Cochin en 2022
Et les praticiens nucléaires inventèrent la médecine théranostique