Un détenu sur sept présenterait au moins un trouble psychiatrique sévère, psychotique ou dépressif caractérisé. Quant aux troubles de la personnalité, ils concerneraient 65 % de la population carcérale et le suicide est sept fois plus fréquent en prison qu’en dehors. Autant de données connues qui ont poussé des soignants du centre hospitalier spécialisé Gérard Marchant de Toulouse à réfléchir à la prise en charge des détenus à leur sortie. Une équipe mobile transitionnelle (EMOT) a ainsi été montée. « A l’hôpital Marchant, nous assurions déjà des consultations à la prison de Seysses et nous disposons d’une unité aménagée pour les détenus, décrit la Dr Anne-Hélène Moncany, cheffe du pôle de psychiatrie et conduite addictive en milieu pénitentiaire, à l’initiative de ce projet. Mais nous avons vu beaucoup de patients sortir de prison et se retrouver à attendre plusieurs mois avant de pouvoir consulter de nouveau. Il nous est donc apparu comme une évidence, qu’il manquait quelque chose entre les deux, et nous avons créé EMOT ». Parce que le choc postcarcéral est fort, « le risque de décompensation est élevé chez ces patients et c’est précisément ce que nous essayons d’éviter » souligne-t-elle.
Opérationnel depuis un an, grâce à un financement de 340 000 euros dans le cadre du fonds d’innovation organisationnel en psychiatrie (2021-2024), le dispositif EMOT a permis à ce jour la prise en charge de trente-six personnes. Quatre ont été perdues de vue, mais vingt-deux sont actuellement toujours suivies. Il n’y a pas eu de suicide, un seul passage aux urgences et aucune réhospitalisation. Un bilan « encourageant », estiment les membres de l’équipe constituée de deux psychiatres, des infirmiers psychiatriques et un éducateur spécialisé.
Assurer la continuité des soins
« Le plus souvent jeunes, âgés entre 30 et 40 ans, ces patients cumulent des troubles de la personnalité et de l’attachement parfois majeurs, auxquels s’ajoutent des addictions sévères et de la précarité car certains ne sont attendus par personne à leur sortie de prison », constate les membres d'EMOT. La prise en charge commence donc en amont de la sortie, par l’intermédiaire des médecins qui les suivent en prison et leur proposent de rejoindre le dispositif s’ils le souhaitent afin d’être accompagnés pendant six mois (deux mois renouvelables deux fois). S’ils sont d’accord, ils rencontrent les soignants de l'équipe.
« Ensuite chaque prise en charge est unique, car totalement adaptée aux besoins de la personne, indique la Dr Moncany. Mais nous essayons de les voir au moins une fois par semaine chez eux, dans un café, ou dans un espace public selon leur situation. Ils peuvent aussi nous solliciter par téléphone, nous travaillons avec eux la problématique de la séparation et puis surtout nous faisons le lien avec la médecine de ville, parfois les médecins traitants, le plus souvent les centres médico-psychologiques (CMP) ». Le dispositif a été mis au point en partenariat avec des professionnels du CHU de Lille, qui l'expérimentent également de leur côté. L'initiative suscite aujourd'hui l'intérêt d'autres équipes en Nouvelle-Aquitaine, dans le Centre-Val de Loire et même jusqu'au Québec.
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