La tension ne retombe pas à quelques jours de l'encadrement strict des tarifs de l'intérim médical, en application de la loi Rist. Malgré deux gestes d'ouverture - revalorisation de près de 20 % du plafond de rémunération des intérimaires et hausse jusqu'à 30 % de la prime de solidarité territoriale (PST) – pour éviter le risque de désorganisation des hôpitaux, la stratégie de François Braun reste très critiquée par les syndicats de praticiens hospitaliers. Quatre d’entre eux (APH, Amuf, INPH et Jeunes Médecins) viennent d'adresser un courrier à Élisabeth Borne pour lui demander un rendez-vous « en urgence ».
Contactée ce mercredi par « Le Quotidien », la Dr Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) explique sa démarche. « Les négociations avec François Braun n'ont pas de cadre précis, déplore la psychiatre nantaise. Nous espérons un message clair de la Première ministre. Il vaut mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints. » Les arbitrages financiers de dernière minute du ministère de la Santé n'ont aucunement apaisé le climat, au contraire. L'urgence n'est pas de « revaloriser les intérimaires pour les empêcher de partir, comme cela vient d’être fait, mais de revaloriser la carrière des praticiens pour qu’il n’y ait plus besoin d'intérimaires », recadre la psychiatre nantaise qui n'exclut pas un mouvement de grève si le gouvernement ne revoit pas sa copie.
Dans leur courrier à Matignon, les quatre syndicats déplorent à nouveau « l’absence de réelles mesures d’attractivité » depuis 18 mois. Lors des journées de l'Association des directeurs d'hôpital (ADH), le 16 mars, François Braun s'est pourtant engagé à réattribuer le 1,5 milliard d'euros de surcoûts liés à l'intérim médical à l'attractivité des carrières. Mais au grand dam des syndicats, la première réunion prévue le 21 mars pour discuter des mesures à déployer pour les PH titulaires n’aurait été qu’une « énième séance sans négociation, sans engagement concret », jugent les auteurs de la lettre.
Pas d'enveloppe ?
Pourtant, la profession espérait des « mesures pérennes et immédiates » pour redorer le blason des carrières médicales hospitalières (restitution des quatre ans d'ancienneté pour les PH nommés avant octobre 2020, revalorisation de la PDS, décompte du temps de travail, agenda social). Quant à l’enveloppe budgétaire promise de 1,5 milliard d'euros, il n’en a jamais été question lors de cette réunion « comme si elle s’était évaporée entre le jeudi 16 mars et le mardi 21 mars », taclent les syndicats.
Le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi aux autres spécialités (Snphare) reste lui aussi sur sa faim. « Dix-huit mois pour restaurer l’attractivité des carrières hospitalières. Et puis... rien. Nada. Le vide », ironise le syndicat. Selon lui, la prime de solidarité territoriale pour les PH en poste vise même à « culpabiliser les praticiens qui ne sont pas "solidaires": ceux qui, après leurs 50 à 70 heures de travail dans leur service, ne sont pas volontaires (…) pour aller aider les établissements en difficulté. » Pour le Snphare, cette mesure propose aux PH titulaires « d’en faire encore plus, et ce, sans aucune perspective d’amélioration ».
Titulaires, intérimaires : personne n'est content
Face au risque de déstabilisation des hôpitaux début avril (fermeture de services, de lignes de garde), le Snphare reproche aussi au ministre de la Santé de « contourner la réglementation » en promettant des « contrats juteux aux "repentis" qui accepteraient de reprendre un poste à l’hôpital », en sollicitant les renforts « sur le mode "crise sanitaire" (médecins retraités, libéraux rémunérés à prix d’or) », et donc très récemment en augmentant de 20 % le plafond du tarif des intérimaires. « C’est un peu comme si on demandait aux praticiens hospitaliers de payer pour un verre d’eau du robinet pendant qu’on offre un cocktail de bienvenue aux médecins intérimaires ! », s'exaspère le Snphare.
Mais la colère gronde aussi, et plus que jamais, du côté du Syndicat national des médecins remplaçants hospitaliers (SNMRH), à l'approche de la date d'encadrement des tarifs. Le relèvement annoncé du plafond de l'intérim de « 220 euros pour 24 h de travail » équivaut à une augmentation de « 9 euros de l’heure », relativise d'abord le syndicat. Parallèlement, énumère-t-il, François Braun propose aux PH titulaires « des gardes de 24h rémunérées jusqu’à 2 200 euros brut » (avec la prime de solidarité territoriale, NDLR) et de réquisitionner des médecins du privé au tarif de « 80 euros/h de jour et 105 euros/h de nuit ou jour férié ». Enfin, à l'instar des organisations de PH, le syndicat des remplaçants dénonce le recours aux contrats de type 2 (pour les intérimaires qui « entrent dans le rang ») alignés sur « le salaire PH 13, ce que tous les titulaires mettent une vie entière à obtenir ».
Bref, sous prétexte de régulation des abus et des dérives, la facture réelle des hôpitaux risque de s'alourdir sans régler les problèmes de fond. Raison pour laquelle le SNMRH exige l’abrogation la loi Rist et une « écoute aux revendications de nos collègues titulaires pour rendre enfin l’hôpital attractif ».
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