L’hospitalisation à domicile permet-elle de renforcer les relations médecin-patient ?

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Publié le 10/05/2024
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Comment garder sa place de coordonnateur des soins et d’interlocuteur privilégié lorsque des soignants – souvent non choisis – interviennent dans le cadre d’une hospitalisation à domicile (HAD) ? Comment tirer parti des avantages de cette situation et dialoguer avec le patient et ses proches ? Éclairage avec une thèse de médecine générale et des entretiens avec les Dr Clément Leclaire (Pallidom, AP-HP) et Yohan Gil (SAMU 92).

Le patient et le médecin traitant sont au cœur de la mise en place de l’HAD

Le patient et le médecin traitant sont au cœur de la mise en place de l’HAD
Crédit photo : GARO/PHANIE

Elle est souvent vécue comme une contrainte non choisie et qui impacte les relations médecin-malade. L’hospitalisation à domicile (HAD) est une option que souhaitent développer les pouvoirs publics. Elle correspond aussi à une demande des patients qui imaginent de plus en plus les séjours hospitaliers « hors des murs » pour le confort, en particulier en fin de vie.

Dans ce contexte de soins qui fait intervenir plusieurs catégories de soignants (infirmiers, aides-soignants, kinésithérapeutes…), le médecin traitant devrait – théoriquement – intervenir comme un acteur central de la prise en charge. Mais, bien que les médecins généralistes puissent prescrire eux-mêmes une HAD, cette option est rarement choisie, en grande partie du fait de son caractère chronophage.

Rassurer sur l’organisation quand on la maîtrise mal

Interrogés en 2017 par le Dr Émilie Audren dans le cadre de sa thèse, des médecins bretons – qui pourtant bénéficient d’un maillage territorial d’HAD – expliquent que leur fonction implique de rassurer les patients sur un fonctionnement qu’eux-mêmes ne maîtrisent pas. Parmi les griefs rapportés, le Dr Audren souligne l’intrusion dans la vie privée et les modifications d’environnement (lit médicalisé, lève-malade, stockage de médicaments et de matériel), la relation imposée avec des soignants non-connus des patients (infirmier d’HAD et non infirmier habituel), une difficulté à comprendre les différents rôles de soignants (médecin coordinateur, intervenants soignants et non-soignants). Autre point d’achoppement : les décisions de soins palliatifs. Les médecins interrogés se plaignent de devoir expliquer eux-mêmes une décision d’arrêt des soins à laquelle ils n’ont pas participé et avec laquelle ils peuvent ne pas être d’accord.

L’HAD permet justement de fluidifier les parcours

Pour le Dr Clément Leclaire, coordonnateur du réseau de soins palliatifs à domicile de l’AP-HP Pallidom, interrogé par le Quotidien, « l’HAD est un lieu où se confrontent plusieurs cultures : ville - hôpital, soin curatif - soin palliatif, maladie chronique - décompensation aiguë, filières spécialisées - polyvalence de proximité ». Ces confrontations entraînent forcément des crispations, pourtant l’HAD permet justement de fluidifier les parcours, d’éviter de nombreuses hospitalisations chez les patients âgés et entourés. « L’HAD répond à des demandes de la population qui souhaite être intégrée aux décisions thérapeutiques ou pouvoir mourir chez soi et de manière apaisée. L’HAD doit aussi simplifier la pratique des médecins : circuit administratif, lisibilité de l’offre (pour quels patients, dans quelles circonstances) ». En pratique, dès que la démarche palliative est actée ou même que le patient entre dans la filière oncologique, l’HAD peut trouver sa place et ce en amont des soins techniques afin d’éviter les ruptures de soins aux moments où le patient en aura le plus besoin.

« Les structures hospitalières d’HAD palliatives, telles que Pallidom, permettent de faire le lien entre médecin traitant, équipe hospitalière, SAMU et familles. Le généraliste est un pilier pour faire valoir auprès des proches que l’HAD palliative permet de limiter les changements d’environnement et d’intervenants, analyse le Dr Yohan Gil (médecin de soins palliatifs, SAMU 92). Contrairement aux a priori encore bien présents, c’est avant tout le patient et le médecin traitant qui sont au centre de la démarche, les intervenants extérieurs ne représentent qu’une possibilité de facilitation. La relation médecin-patient, loin d’être mise à mal, est renforcée lorsque tous les intervenants trouvent leur place ».

Deniau N, Shojaei T, Georges A et coll. Home emergency response team for the seriously ill palliative care patient: feasibility and effectiveness. BMJ Supportive & Palliative Care. doi:10.1136/ spcare-2023-004385
Audren E. Attentes et freins à l’utilisation de l’HAD par les médecins généralistes en Bretagne : étude sur le secteur sanitaire N°3. Thèse 2017

 

Pallidom, une expérimentation de l’AP-HP

Pallidom est une expérimentation qui permet d’apporter au domicile, les principes d’une démarche palliative, concertée collégialement, dans un délai court, pour des patients qui ne sont pas préalablement intégrés dans une filière de soins palliatifs à domicile (Réseau, équipe mobile en soins palliatifs ou HAD). Sur simple appel médical, un binôme médecin et IDE se déplace chez les patients en situation palliative qui présentent une instabilité, ceci pour éviter un transfert aux urgences. Sur deux ans, plus de 800 patients ont été accompagnés. 72 % sont décédés chez eux entourés par leurs proches, 19 % se sont améliorés (association de traitements curatifs aux traitements palliatifs pour passer le cap) et 9 % ont été transférés en Unité de soins palliatifs. Seulement 1 % des patients ont nécessité un passage par les urgences.


Source : Le Quotidien du Médecin