Les représentants des usagers (RU) siégeant dans les établissements de santé (hôpitaux et cliniques) ont-ils pu faire entendre leur voix depuis le début de la pandémie ? Très insuffisamment, révèle une enquête réalisée par l'association de référence France Assos Santé, auprès de 1 180 représentants d'usagers* au cours du 1er semestre 2020.
En France, quelque 15 000 représentants des usagers (RU) s'engagent bénévolement au sein des hôpitaux et des cliniques. Les commissions des usagers doivent légalement se réunir chaque trimestre afin de traiter notamment les plaintes et réclamations concernant l'accueil, la prise en charge et le respect des droits des usagers. Or, dès le début de la pandémie, France Assos Santé, qui réunit la majorité des associations agréées, a recueilli de nombreuses alertes sur la façon dont les RU avaient pu exercer leur mandat dans ce contexte exceptionnel. L'association dénonce carrément une « mise à l'arrêt » de la démocratie sanitaire dans de nombreux hôpitaux.
Maison des usagers fermée sans explication
Plus précisément, l'enquête nationale montre des résultats « mitigés » allant de « représentants totalement mis à l'écart à des représentants mieux impliqués et sollicités sur les enjeux de la crise », souligne Gérard Raymond, président de France Assos Santé, militant historique de la Fédération Française des Diabétiques. En 2020, seulement 40,5 % des commissions des usagers (CDU) ont ainsi pu se réunir au moins quatre fois, c'est-à-dire le minimum légal ; 12 % ne se sont réunies qu'une seule fois et 3,5 % pas du tout.
Les témoignages des usagers sont éloquents. En région PACA, l'un d'entre eux explique qu'« à partir du confinement, il y a eu un arrêt pendant un mois de toute activité RU. Puis, on a remis presque tout en place en distanciel ». Dans la même région, c'est la maison des usagers qui a été fermée « sans autre explication ». En Bretagne, « on nous a demandé de valider la reprise des visites mais pas l'arrêt ». En Centre-Val de Loire, un représentant estime que « la direction nous aime bien, surtout si l'on est d'accord ».
Mais cette mise en retrait est parfois venue des représentants des usagers eux-mêmes. Ainsi, ils ne sont que 42 % à « avoir eu des échanges entre RU de l’établissement en dehors des réunions de CDU, précise Claude Rambaud, vice-présidente de France Assos Santé. Certains nous ont également indiqué pendant cette année 2020 qu’ils ne se sentaient pas en position de "déranger" les établissements et les professionnels noyés par la crise ou encore qu’ils étaient inquiets pour leur santé ».
Accès dégradé aux plaintes et réclamations
Sur le plan de la démocratie sanitaire, les résultats sont donc décevants. Depuis le début de l'épidémie, 21 % des RU estiment que leur accès aux plaintes et réclamations s'est « dégradé ». Dans un cinquième des établissements, cet accès était même inexistant. Les transmissions se sont toutefois poursuivies dans près de la moitié des hôpitaux et cliniques.
Sans surprise, les plaintes ont concerné prioritairement les visites et déprogrammations. Les RU n'ont été associés à l'élaboration des modifications de visite que dans « 11 % des cas » alors que celles-ci ont eu lieu dans quasi tous les établissements. Et près de la moitié d'entre eux n'ont pas été informés de la mise en place de dispositifs alternatifs comme des tablettes numériques ou la désignation d'un référent privilégié.
Côté déprogrammations, si 32 % des RU en ont eu connaissance au sein de l'établissement, deux tiers des interrogés ne se prononcent pas à ce sujet : « Cela démontre combien les RU ont été tenus à l'écart », déplore France Assos Santé.
Oubliés de la gestion de crise
Enfin, parmi les deux tiers d'établissements qui ont mis en place une cellule de crise, neuf sur dix n'ont pas considéré que les RU pouvaient être utiles à la réflexion sur la gestion de cette crise. Enfin, 60 % des représentants des usagers ne savaient pas si une instance spécifique sur les retours d'expérience avait été créée dans l'établissement. La voix des usagers ne doit « pas être reléguée en arrière-plan sous prétexte d’urgence sanitaire, alors qu’elle est un rouage essentiel de l’amélioration du système de santé, qui plus est en période de crise », conclut France Assos Santé.
*Enquête menée auprès de 1 180 RU siégeant en commission des usagers de 1 187 établissements de santé
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