Un CHU en Corse ? En commission, les députés disent oui à l’unanimité

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Publié le 06/06/2024
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Une proposition de loi parlementaire formule le souhait de créer un centre hospitalier universitaire à l’horizon 2030 en Corse pour inciter les étudiants en médecine à rester dans leur région pour y exercer.

Une proposition de loi (PPL) visant à la création d’un CHU en Corse (n° 921) initiée par le député (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) de Corse du Sud, le Dr Paul-André Colombani, rapporteur, a été adoptée à l’unanimité par les élus présents le 5 juin au sein de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Pour rappel, cette première étape n’est que le début d’un long processus parlementaire de navettes. Il y aura une discussion en séance plénière le 12 juin.

Une île et un désert médical

D’emblée, le rapporteur a posé le diagnostic d’un manque manifeste de médecins (258,8 pour 100 000 habitants contre 319 pour la moyenne nationale) dans cette région qui a des spécificités locales complexes liées à son caractère insulaire. Alors que le privé gère plus de la moitié de l’activité hospitalière de l’île, elle est aussi la seule région à n’être dotée d’aucun CHU ou CHRU, ce qui permettrait de redonner de l’attractivité médicale au territoire : « Sur les agréments hospitaliers délivrés pour la formation des internes, la Corse n’en compte qu’une dizaine qui concerne les spécialistes. La faute au manque de perspective de carrières », a expliqué le médecin généraliste de Porto Vecchio. Le député décrit la réalité compliquée du terrain. Sans CHU, les étudiants de médecine de la faculté de Corte sont obligés d’aller faire leur internat sur le continent, les possibilités de stages étant limitées dans les hôpitaux de l’île. « Les filières hospitalo-universitaires sont fragiles, confirme le Dr Colombani. Elles sont souvent dépendantes d’un ou deux praticiens de passage qui sont rattachés à d’autres CHU. S’ils s’en vont, tout menace de s’effondrer. »

Le meilleur médecin, c’est l’avion

Antoine Villedieu (député RN)

Résultat, ce manque de structures hospitalières de bon niveau contraint les Corses à se faire soigner sur le Continent en nombre (26 000 déplacements chaque année pour un coût global de transport de 30 000 euros pour l’Assurance-maladie). Ce qui entraîne un commentaire acerbe du député RN Antoine Villedieu : « Le meilleur médecin, c’est l’avion ! Il faut attendre entre trois semaines et un mois pour obtenir un diagnostic pour un cancer. » Laurent Marcangeli (Horizons et apparentés) le déplore : « Le voyage pour se faire soigner est désagréable, coûteux et fatigant. Alors que nous manquons cruellement de médecins spécialistes en Corse, nous sommes pourtant en maturité universitaire. » Quant au Dr Philippe Vigier (Modem), il témoigne de l’utilité de ce type de projet : « Il a fallu vingt ans de combat pour créer le CHU d’Orléans. Mais la première année, nous avons eu 150 étudiants en médecine. »

En effet, les indicateurs sont au rouge : la Corse compte seulement 1 949 lits et un ratio de seulement 18 lits de réanimation pour 100 000 habitants (un peu plus que la Guyane mais deux fois moins qu’en PACA), ce qui en fait la région la plus sensible à un risque de saturation de ses capacités de soins, comme cela s’est passé lors de la pandémie. Facteur aggravant, la population a crû de 12 % en dix ans, mais à l’horizon 2030, l’île comptera 21 000 personnes âgées dépendantes, insiste le député dans son exposé des motifs. Quant au taux de pauvreté, il est inquiétant, soit de 16,1 % en Corse du sud et de 20,6 % en Haute Corse. D’où un renoncement aux soins important et un accès aux soins très dégradé.

Vers un établissement public/privé multisite

Le rapporteur Paul-André Colombani, conscient de l’ampleur de la tâche, reconnaît la volonté de l’exécutif d’aller de l’avant, mais déplore le fait que ce dossier se soit enlisé, malgré les demandes pressantes des acteurs locaux (dont l’Assemblée de Corse qui a validé la formation d’un premier cycle complet d’études médicales à partir de 2025). Ce que confirme Guillaume Garrot (Socialistes et apparentés) pour sa part favorable à la régulation de l’installation : « L’idée d’un CHU en Corse est une première brique. Cela ne suffira pas. Il faudra aussi former les soignants et garantir leur présence dans ce CHU.  »

L’objet de cette proposition de loi est de créer d’abord un CHR puis un CHRU multisites. Une idée fédératrice qui a le mérite de dépasser les querelles de clocher pour construire un nouvel établissement à Bastia ou à Ajaccio, alors que les deux établissements existants dans ces deux villes connaissent de graves difficultés financières et de gouvernance. Le rapporteur prend aussi en compte le fait que plus de la moitié de l’offre hospitalière est prise en charge par le privé. Il se prononce donc « en faveur d’un portage juridique innovant, où une seule entité, dotée d’une personnalité juridique, fédérera l’ensemble des établissements hospitaliers ».

Enfin, l’argument final qui a fédéré tous les députés, même les RN, est de « corriger une inégalité flagrante d’accès à un droit constitutionnel, celui de la santé ». C’est donc à l’unanimité que tous ont voté le texte. Le Dr Colombani, qui n’en est pas à son coup d’essai, devra maintenant se montrer aussi convaincant devant l’ensemble de ces collègues de l’Assemblée, dès la semaine prochaine.


Source : lequotidiendumedecin.fr