« Il n’y a pas de réponse miracle pour résoudre cette crise. Mais des solutions d’urgence peuvent être prises, ce que n’a pas fait le gouvernement », juge le groupe socialiste de l'Assemblée nationale qui a publié la semaine dernière – avec la Fondation Jean Jaurès – un plan de reconstruction de l’hôpital public.
Rédigé par plusieurs députés siégeant à la commission des affaires sociales (Jérôme Guedj, Arthur Delaporte, Joël Aviragnet, Élie Califer), ce document avance une série de propositions, pour un coût de « 16,8 milliards d’euros par an » sur une durée de trois ans. L'objectif est de « mettre fin au pilotage comptable des hôpitaux » et de mieux répondre aux besoins de santé des Français. L'ambition est de nourrir le débat parlementaire lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) à l'automne.
Primes, salaires et inflation
Les députés PS veulent en premier lieu s'attaquer à la pénurie de médecins et de personnels hospitaliers « en redonnant envie de soigner ». Si les mesures salariales du Ségur de la Santé vont « dans le bon sens », elles demeurent « insuffisantes dans leur ampleur et trop tardives ». Le groupe socialiste souligne que les personnels médicaux et paramédicaux français restent structurellement moins bien payés que ceux des pays comparables de l’OCDE. Quant à leurs homologues allemands, néerlandais, belges et italiens, ils bénéficient d’une rémunération « de 6 à 15 % plus élevée ». Les députés ajoutent que les gains de rémunération obtenus en 2020 sont « déjà en partie effacés à cause de l’inflation enregistrée en 2021 et 2022 ». Surtout, le Ségur a oublié certains personnels administratifs et techniques, ce qui « déstabilise les équipes ».
D'où la proposition de transformer les « primes » du Ségur de la santé en augmentation systématique de salaires et d’en faire bénéficier toutes les catégories de personnel. Autre proposition, l'« indexation automatique » du point d’indice des personnels du soin sur l'inflation. Une fois les professions médicales et paramédicales revalorisées, la loi sur l'encadrement de l'intérim pourra s'appliquer « avec des plafonds revus à la baisse », plaide le groupe socialiste.
Pénibilité et retraite
Au-delà de la rémunération générale, la pénibilité des métiers du soin doit être mieux reconnue, souligne le PS. Si les indemnités de garde et le travail de nuit ont été majorées de façon transitoire, les députés socialistes veulent changer de braquet. Ils proposent de doubler l’indemnisation du travail de nuit et le week-end de façon pérenne et de rétablir les critères de pénibilité supprimés en 2017 pour les personnels concernés.
Côté carrières, ils militent pour une nouvelle refonte de la grille des PH afin de revaloriser les praticiens nommés avant 2020 qui ont perdu quatre ans d’ancienneté. Autre mesure défendue par le PS, le fait d'intégrer les salaires hospitaliers dans le calcul de la retraite des hospitalo-universitaires. Des propositions au cœur des réunions de concertation entre le ministère et les syndicats, avant leur suspension.
Au-delà, le PS appelle de ses vœux un travail en profondeur sur la qualité de vie au travail et l'organisation des équipes au sein de l'hôpital. Dans la lignée des travaux actuels, le service doit être « davantage autonome », en expérimentant par exemple l'attribution de crédits d'investissement et de formation.
Sortie de l'Ondam, T2A réduite
Le plan socialiste préconise une réforme « profonde » du financement de la santé – que ce soit à l'échelle macroéconomique ou à celle de l'hôpital lui-même. À rebours de la « logique comptable » de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam), les députés PS défendent l’adoption d’une « loi de programmation sanitaire et médico-sociale », en début de quinquennat, fixant les objectifs de santé publique, les actions territorialisées pour y parvenir et donc les financements requis. Ces objectifs de santé publique seraient déterminés « en fonction des changements démographiques, des nouveaux phénomènes épidémiologiques, des évolutions des modes de prise en charge et des innovations médicales ». La loi de programmation serait « affinée » chaque année dans le PLFSS, « avec des objectifs nationaux de santé publique (ONSP) remplaçant l’Ondam », avancent les députés socialistes.
À l'échelle de l'hôpital cette fois, la tarification à l'activité (T2A) ne serait maintenue que pour « les séjours prévisibles et standardisés », et « si les tarifs se rapprochent des coûts réels ». Cette T2A réduite serait complétée par un « financement populationnel » pour les activités non programmées, pouvant lui-même évoluer selon l'atteinte d'indicateurs de santé sous la forme d'un intéressement collectif. Au passage, le PS suggère aussi de développer massivement le financement populationnel de la médecine de ville.
Délégations
Côté formation et compétences, le groupe socialiste souhaite augmenter les capacités de formation des facultés de médecine, des Ifsi (Instituts de formation en soins infirmiers) et des Ifas (Instituts de formation d'aides-soignants) pour atteindre des « ratios patients/soignants » établis par la HAS. Ces ratios seraient définis « en fonction des besoins de santé du territoire ». Ce qui nécessitera par exemple de former « 15 000 médecins par an », ambitionnent les députés. Pour faire face à la pénurie, le groupe PS recommande aussi de développer plus largement l'accès direct aux infirmiers de pratique avancée (IPA) pour « les pathologies courantes bénignes ». Des IPA que le PS voudrait voir former « massivement ».
Afin de financer les quelque 16 milliards d'investissements annuels, le groupe PS préconise de créer une taxe sur les superprofits des laboratoires pharmaceutiques (500 millions), de conditionner les exonérations de cotisations sociales « au respect de critères de qualité sociale et environnementale » (12,3 milliards) et de rendre la CSG plus progressive (4 milliards).
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