Après le maire de Reims, Arnaud Robinet, c'est au tour du Pr Jean-Louis Touraine, immunologue et ancien député du Rhône (socialiste puis converti en 2017 à LREM), d'expliquer au « Quotidien » les raisons qui le poussent à briguer la présidence de la Fédération hospitalière de France (FHF). Une élection qui aura lieu mercredi prochain et dont ils sont les deux seuls candidats. L'actuel vice-président de la FHF, 76 ans, se dit préparé et assure qu'il sera un « président à 100 % ». Il estime qu'il faut « réenchanter » l'hôpital et plaide pour un dialogue constructif avec le monde libéral.
LE QUOTIDIEN : Qu'est ce qui vous pousse à être candidat à la tête de la FHF ?
JEAN-LOUIS TOURAINE : Je m'y suis préparé depuis de nombreuses années. J'ai déjà été une fois candidat dans le passé [en 2013, contre Frédéric Valletoux, NDLR] puis exercé plusieurs mandats comme vice-président, en préparation d'une éventuelle prise de relais de la présidence. Je n'ai jamais caché que ça m'intéresserait, le moment venu, d'être au service de cette cause majeure, surtout dans la situation de crise de nos hôpitaux et de nos établissements médico-sociaux.
La FHF doit être force de propositions pour relever d'immenses défis. L'hôpital et les Ehpad sont dans un état de désarroi que je n'ai jamais connu. Je constate une désespérance de la part de ceux qui y travaillent, une perte d'attractivité avec des départs de médecins, d'infirmières mais aussi de chefs de service et même de PU-PH, chose que je n'avais qu'exceptionnellement vue au cours de ma carrière. Je porte une candidature de combat, celle d'un médecin hospitalier qui croit en l'hôpital mais pense qu'il faut le réenchanter.
Qu'est-ce qui vous démarque de votre concurrent Arnaud Robinet dans la course à la présidence de la FHF ?
Je ne dirai pas un seul mot négatif sur Arnaud, que je connais bien. Mais ce que j'oppose, c'est de m'être préparé longtemps, de bien connaître la FHF, de la pratiquer, d'avoir été l'interlocuteur de la Fédération auprès des pouvoirs publics, de savoir à quel point sont difficiles ces négociations au ministère de la Santé, à Bercy et ailleurs.
Deuxième point important : je pourrai me consacrer à la présidence de la FHF à temps plein puisque je n'ai plus d'autre fonction, je serai un président à 100 %, sans ambitionner quoi que ce soit pour plus tard. Je ne veux plus rien d'autre.
Quelles sont vos priorités pour l'hôpital ? Les moyens humains et financiers, la réforme de la gouvernance, l'innovation dans les territoires ?
Le premier impératif concerne les effectifs médicaux et soignants, aujourd'hui insuffisants, ce qui nuit au confort de ceux qui travaillent et, au bout du compte, à la satisfaction des patients. Ce n'est plus seulement la qualité de vie au travail des soignants qui est fragilisée, c'est la qualité des soins qui est menacée. Je précise tout de suite qu'il ne faut pas sombrer dans l'« hôpital bashing » et la désespérance. Les résultats objectifs sont bons : on a moins d'infections nosocomiales qu'il y a 20 ans, les patients cancéreux sont plus nombreux à être guéris.
Mais les maux de l'hôpital sont réels. Oui, il y a aussi la problématique de la gouvernance, du management. L'organisation et les conditions de travail à l'hôpital sont devenues dissuasives et il faut, par exemple, écouter les internes… Ils ne viendront pas si on leur dit chaque année qu'il y a un taux de burn-out et de suicide aussi important. On doit donc non seulement redonner du pouvoir à la communauté médicale mais aussi de la visibilité et de la considération. Autrefois, dans un hôpital, le service hospitalier était bien identifié autour de quelques noms de praticiens, le chef de service, ses adjoints, etc. Ce n'est plus le cas. Il faut rétablir l'équilibre dans les décisions, augmenter la capacité d'écoute et de participation des soignants et des médecins en particulier.
En janvier 2020, en tant que député du Rhône, vous réclamiez un Grenelle de l'hôpital public avec tous les métiers… Est-ce que vous feriez la même demande ?
Le Ségur de la santé a été une étape, qui demande beaucoup d'autres. Certaines revalorisations salariales ont certes été accordées aux personnels mais doivent être complétées, notamment pour ceux qui s'estiment les « oubliés » du Ségur. Il faut aussi garantir une justice tout au long de la carrière médicale. La question des contraintes, du travail de nuit ou le dimanche, de la pénibilité doit être reconsidérée.
Enfin, surtout, le Ségur ne s'est pas occupé de la réorganisation globale de l'hôpital, de sa gouvernance. Les directeurs eux-mêmes réclament des évolutions, ils n'ont plus le temps de réfléchir à l'avenir de leur institution car ils sont pris par l'urgence de trouver un anesthésiste, des urgentistes… Les directeurs savent qu'ils devront travailler main dans la main avec les médecins, qui ne sont pas des exécutants. Il y a un défi pour aller vers cette coconstruction de l'avenir de l'hôpital.
Si vous êtes élu à la tête de la FHF, quel dialogue engagerez-vous avec le secteur privé et les syndicats de médecins libéraux ?
Avec moi, les relations n'ont jamais été conflictuelles. Je n'ai pas de baguette magique mais lorsque j'ai pu échanger avec mon homologue de la FHP [Fédération de l'hospitalisation privée] Lamine Gharbi, ou avec les différents leaders libéraux, nous avons réussi à trouver des terrains d'entente. Il n'y a pas les bons médecins d'un côté, les moins bons de l'autre. Je sais qu'il y a des sujets très délicats, mais ce n'est pas par la force qu'on résoudra les problèmes.
J'adhère à l'idée que la médecine de ville participe davantage à la permanence des soins. C'est souhaitable pour que les patients qui ont de la bobologie soient pris en charge en ville, mais aussi parce que c'est l'intérêt des médecins libéraux de prendre quelques gardes, à condition que cela se fasse dans le dialogue et à l'initiative des organisations professionnelles concernées. Chacun devra trouver sa place avec sa part de contrainte, différente selon sa disponibilité, dans le cadre d'un dialogue solidaire entre le public et le privé. Mais n'ordonnons pas aux autres ce qu'ils doivent faire.
Que voulez-vous changer au sein de la FHF ?
Je voudrais qu'il y ait désormais deux vice-présidents — ou vice-présidentes car je souhaite une meilleure représentativité féminine — avec l'un qui se consacre au secteur sanitaire et l'autre qui se dévoue pleinement au secteur médico-social, toujours perçu comme le parent pauvre.
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