Le gouvernement procède, lors de cette crise épidémique, à l’abondement des budgets hospitaliers via deux vecteurs principaux : la compensation des surcoûts liés à la Covid-19 et la garantie de financement qui permet, pour un temps, à tout établissement public de santé de toucher, au titre des recettes Assurance Maladie, a minima le montant mensuel correspondant de 2019.
De nouvelles délégations de crédits sont annoncées. Elles prennent en compte les dépenses exceptionnelles liées à la Covid-19, complètent la compensation des recettes du titre II (liées directement à l’activité puisque facturées directement aux patients ou aux complémentaires) et prévoient un remboursement des tests. Rappelons que l’Etat a également décidé de compenser en 2020 les mesures touchant aux rémunérations des personnels et médecins hospitaliers, qu’elles soient ponctuelles (comme la prime Covid) ou pérennes (comme les premières mesures issues du Ségur de la Santé).
Les sommes ainsi consacrées à soutenir les Etablissements publics de santé, et au-delà, de nombreux acteurs des soins, sont incontestablement considérables et constituent, en un laps de temps restreint, un épisode sans équivalent dans l’histoire hospitalière en France.
Des soutiens nécessaires, mais insuffisants
Les dispositions prises l’ont été dans l’urgence. Elles étaient indispensables. Sans elles, certains établissements n’auraient pu faire face au caractère exceptionnel et inédit de leurs missions. La politique budgétaire et comptable imposée à l’hôpital public depuis 15 ans a en effet créé des situations « à la rupture ». L’enjeu pour beaucoup d’établissements à la trésorerie exsangue est de disposer, non des crédits, mais des fonds pour payer à la fois leurs agents et leurs fournisseurs. Pour ces établissements, interdits du recours à l’emprunt et aux lignes de trésorerie bancaires, l’Etat (ou le Trésor Public) est leur seul recours pour assurer les paiements.
Le violent « décrochage » financier généré par l’épidémie (perte de 15 à 30 % d’activité; croissance de 5 à 15 % des dépenses mensuelles ; achat d’équipements non prévus, etc…) a mis certains hôpitaux dans l’incapacité de réaliser les opérations comptables basiques en fin de mois (à commencer par la paye, qui représente 2/3 des dépenses annuelles). Il était indispensable de les « sauver » (littéralement) du défaut de paiement, et alors qu’ils étaient mobilisés pleinement par la crise.
Dès lors, les autres établissements dont la trésorerie est confortable, la situation financière excédentaire, ceux qui dans la novlangue de l’orthodoxie budgétaire sont dits « bien gérés », pourquoi les aider (aussi) ? Et les soi-disant « mauvais gestionnaires », les situations suivies en COPERMO, ceux qui accumulent les déficits depuis des années, quel traitement malgré la crise doivent-ils recevoir ? Quel sens encore à la demande récurrente de réorganisation ?
Cette crise change en réalité la donne pour tous les établissements et appelle une réponse financière spécifique. Elle bouscule le régime budgétaire et financier à court terme, mais pose des questions qui doivent nous interroger sur des modifications durables. En effet, comment remettre sur la « table » des hospitaliers les programmes d’économies prônées ces dernières années, ce que le PLFSS pour 2021 persiste pourtant à prévoir ? Qui va lancer de nouvelles fermetures de lits ou réduire ses investissements et ses effectifs alors qu’on a cherché des marges de manœuvre pour répondre à la crise toute l’année ?
Notre système de financement, mais aussi le cadre budgétaire imposé à nos établissements, va être durablement transformé. Qui peut prédire la durée de cette crise, et surtout la durée de ses impacts ? Qui peut aujourd’hui prétendre que, dans quelques mois, on pourra réinstaurer sereinement le modèle d’avant ? Il ne s’agit pas ici de considérer que le financement du système de santé ne pose aucune question, ni qu’il ne faudra pas retrouver des niveaux de recettes permettant de couvrir les dépenses, et rechercher un point d’équilibre. Il est trop tôt cependant pour l’envisager.
Le gouvernement a repoussé la production des EPRD au premier trimestre 2021. Il reconnait par cette décision que les établissements ne sont pas en situation d’estimer le bon niveau, pour l’année à venir, des recettes bouleversées et des dépenses démultipliées. Il lui reste à en tirer la conséquence pour 2020, celle d’un effacement du déficit de tous les établissements, d’une « année blanche » budgétaire. C’est la seule manière de « tirer le rideau » d’un exercice où les semaines d’activité dites normales auront compté parfois pour moins d’un trimestre. C’est la seule option pour ne pas sanctionner financièrement des structures où les professionnels ont donné sans compter contre la Covid. C’est la seule vraie égalité de traitement.
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