Les sénateurs continuent de demander des comptes à l’exécutif. Mardi 2 avril en séance publique, dans le cadre d’un débat sur la situation de l’hôpital, pendant deux heures, Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention s’est employé à expliquer et défendre la stratégie du gouvernement dans un contexte difficile de dégradation des finances publiques.
Philippe Mouiller (LR, Deux-Sèvres), a mis les pieds dans le plat, relayant les doutes sur la capacité du gouvernement à sortir les établissements de santé de leurs difficultés, notamment budgétaires et de recrutement. « Quels sont les projets de M. Valletoux ? Quelle suite donner à la promesse d’Emmanuel Macron en 2022 de faire de l’hôpital sa priorité ? Et quid du big bang annoncé par le président dans ses vœux de 2023 ? Comment faire pour que les 105 milliards annuels qui sont consacrés à l’hôpital lui redonnent sa fierté ? »
La sortie du T2A ? Un trompe-l’œil
Tarifs, organisation, réformes… : les sénateurs avaient des interrogations sur tous les fronts. Plusieurs d’entre eux ont regretté que les mesures du Ségur de juillet 2020 n’aient pas permis – presque quatre ans plus tard – le « choc d’attractivité » espéré. Pas d’engouement non plus pour le volet des investissements, avec des projets qui ne sont pas jugés assez structurants. Quant à la grande réforme du financement de l’hôpital, souvent évoquée, elle n’aurait pas (encore) changé la donne. « La sortie du tout T2A n’est qu’un trompe-l’œil », assène Philippe Mouiller. Des clarifications sur la médicalisation de la gouvernance ont aussi été réclamées.
Frédéric Valletoux a évoqué les difficultés « structurelles » de l’hôpital (après des années de sous-financement que le Ségur a commencé seulement à rattraper), avec aussi une activité qui repart certes à la hausse, mais de façon encore peu dynamique à cause du manque de ressources humaines. Pour autant, une dynamique relative de recrutement permet aujourd’hui de rouvrir des lits et d’entrevoir le bout du tunnel.
On nous reproche de ne pas mettre assez de moyens à l’hôpital. C’est faux !
Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention
Le ministre a répondu vertement à certaines accusations de ne pas mettre des moyens suffisants. « On nous reproche toujours de ne pas mettre assez de moyens à l’hôpital, mais c’est faux ! » a-t-il plaidé, rappelant la hausse continue des enveloppes annuelles dévolues aux dépenses maladie en général, et à l’hôpital en particulier. « On est passé en 2017 de 191 milliards d’euros à 255 milliards d’euros en 2024 [Ondam], soit plus de 60 milliards d’euros d’effort financier », a-t-il souligné. Même stratégie assumée pour la campagne tarifaire avec une nette hausse des ressources octroyées aux hôpitaux (+4,3% pour les établissements publics dans le champ MCO), un arbitrage qui a d’ailleurs provoqué la colère et la riposte des cliniques privées.
Quant aux investissements du Ségur pour moderniser les établissements – 15,5 milliards d’euros dédiés –, ils « ne représentent pas une avance de trésorerie » à rembourser mais un soutien pérenne.
63 services d’accès aux soins (SAS)
Sur les urgences, Frédéric Valletoux ne nie pas les difficultés persistantes. Mais grâce à sa loi éponyme sur l’accès aux soins par l’engagement territorial, le privé participera davantage à la permanence des soins, assure-t-il. Le fameux service d’accès aux soins (SAS) – plateforme universelle de réponses aux appels urgents – sera généralisé courant 2024. Pour l’instant, 63 SAS sont actifs et couvrent 80 % de la population, précise le ministre.
Plusieurs réformes sont aussi dans les tuyaux en matière de formation, concernant notamment la profession infirmière et la 4e année d’internat de médecine générale. Répondant à une question sur le sort des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) posée par la sénatrice Nadège Havet (groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, proche de la majorité), le ministre a tenu un langage de vérité : « Il faut reconnaître que la France ne les a pas bien traités pendant des années et qu’on s’est satisfait d’une zone grise dans laquelle intervenaient ces praticiens sans reconnaissance statutaire, sans reconnaissance de rémunération et limités dans leur pratique professionnelle, tout en rendant des services essentiels à nos établissements ». Pour sortir de « cette zone grise », le ministre a défendu la clarification statutaire en cours, la simplification des épreuves de vérification des connaissances (EVC) ou encore la création du passeport talent dans la loi immigration.
Quotas de soignants, le risque du tableau Excel…
Côté ressources humaines, l’instauration de quotas de soignants par patient à l’hôpital fait l’objet de débats récurrents, encore plus depuis la proposition de loi en ce sens du sénateur socialiste Bernard Jomier fin 2022. La sénatrice écologiste Anne Souyris a défendu ardemment ces ratios à l’hôpital mais le ministre préfère temporiser sur ce sujet. « Les ratios existent déjà pour les soins critiques, l’obstétrique, la néonatalogie, la réa néonatale, les dialyses, les grands brûlés… Ce serait une approche trop bureaucratique de les systématiser. » En clair, imposer des taux minimum partout pourrait désorganiser les services hospitaliers. Frédéric Valletoux récuse toute « approche par tableau Excel » et considère que les certifications de la Haute Autorité de santé (HAS) demeurent plus pertinentes pour garantir la sécurité des soins.
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