Voilà une enquête qui ne devrait pas faire plaisir à Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). La Direction générale de l’offre de soins (DGOS, ministère de la Santé) vient de finaliser une enquête nationale sur la permanence des soins en établissements de santé (PDS-ES) , que s’est procurée Le Quotidien, et qui illustre le poids prépondérant du secteur public, à l’heure où ce dernier réclame une participation accrue des cliniques aux contraintes de gardes.
Quatorze ans après la dernière enquête de cette envergure, l’étude, qui a eu lieu du 11 mars au 8 avril 2024, porte sur le fonctionnement de la PDS dans les établissements de santé ayant une activité de médecine, de chirurgie et d’obstétrique (MCO), hors services d’urgence. Pour rappel, la PDS en établissement est organisée par les ARS, la nuit, le week-end à partir du samedi après-midi et les jours fériés. Les praticiens qui l’assurent peuvent être de garde ou d’astreinte.
Données de 734 établissements
L’objectif de cette nouvelle enquête était de recenser pour chaque établissement des données actualisées sur le fonctionnement de la PDS à trois niveaux : le nombre de lignes en distinguant les gardes, les astreintes et les organisations mixtes (périodes de garde et d’astreinte se succédant au cours de la semaine) ; l’activité ; et les ressources humaines mobilisées (praticiens de plein exercice, intérimaires, internes, docteurs juniors et Padhue – médecins diplômés hors Union européenne).
Déclaratives, les données sont issues de près de 80 % des hôpitaux et cliniques prenant part à la PDS, soit 734 établissements (sur 985 sites géographiques), dont 31 CHU et 15 centres de lutte contre le cancer. L’enquête s’intéresse surtout aux patients qui ne sont pas présents au sein de l’établissement au début de la période de PDS et qui ont un besoin d’un accès aux soins non programmés, que ce soit après passage par le service d’accueil des urgences (SAU) ou après entrée directe. Elle ne prend pas en compte les patients déjà hospitalisés et (re)pris en charge pendant la période de PDS dans le cadre de la continuité des soins.
Seule 12 % de l’activité de PDS assurée par les cliniques
Premier constat : l’hôpital public, qui regroupe près de 70 % des lignes de gardes et astreintes recensées (contre 23 % pour le privé lucratif et 8 % pour le privé non lucratif), assure in fine 83 % de l’activité totale de PDS, comme l’a souvent mis en avant la FHF.

Ce taux particulièrement élevé d’implication du public apporte de l’eau au moulin des hôpitaux, à l’heure ou ce secteur réclame toujours la parution du décret relatif à la réorganisation de la PDS en établissement, en application de la loi Valletoux de fin 2023, qui a promis un partage plus équitable des efforts de garde entre public et privé. Pendant la période de cette enquête, les cliniques privées à but lucratif assuraient de leur côté seulement 12 % de l’activité de permanence des soins en établissement. Or, le patron de la FHP a souvent affirmé que le privé assumait 35 % de la PDS, un pourcentage trois fois supérieur.

Plus de 10 000 lignes de PDS
Dans le détail, l’enquête recense 11 339 lignes d’activité assurées par au moins un praticien de plein exercice et incluses dans le champ de l’analyse. 27 % sont des gardes, 69 % des astreintes, et 4 % des lignes mixtes.
Et sur l’ensemble des lignes de PDS-ES recensées sur le territoire, les résultats indiquent qu’environ 5 % seulement sont partagées – certaines lignes entre établissements, entre plusieurs sites d’un même établissement ou entre un établissement et une structure de médecine de ville. Parmi les lignes partagées entre établissements de santé, le partage au sein d’un même secteur reste majoritaire (45 % entre établissements publics, 24 % entre établissements privés). Malgré les appels récurrents à une meilleure collaboration entre les deux mondes, les partages public/privé ne représentent que 20 % des lignes en question. Un taux que le gouvernement voudrait faire grimper.
Les anesthésistes très mobilisés
L’étude s’est également intéressée à l’activité respective de sept groupes de spécialités : médecine ; chirurgie ; soins critiques et unités de surveillance continue (incluant l’activité d’anesthésie), anesthésie (incluant en regard les activités qui requièrent ces spécialistes, comme l’orthopédie, la chirurgie viscérale ou l’obstétrique), et les activités interventionnelles ; obstétrique ; spécialités médico-techniques. Il en ressort que les spécialités médico-techniques sont les plus mobilisées en période de PDS, devant les soins critiques/USC et l’obstétrique.
Au niveau national, toutes spécialités et secteurs confondus, et en nombre médian, cinq médecins de plein exercice sont mobilisés par ligne de garde. On trouve également trois internes par ligne (ce chiffre médian grimpe à six en obstétrique). Par spécialité, la DGOS enregistre 10 médecins mobilisés par ligne de garde pour l’anesthésie, devant les soins critiques et l’obstétrique (9 médecins chacune). Ce sont également ces médecins qui sont le plus actifs sur les lignes d’astreintes (7 par ligne).
Quelque 2 600 Padhue et 2 600 docteurs juniors ont participé à la PDS-ES pendant la période de l’enquête.
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