Serait-ce la fin du bras de fer entre le ministère de la Santé et l’alliance cliniques/syndicats de médecins libéraux ? Ce vendredi, les combattants ont annoncé dans un communiqué commun qu’ils « suspendent » le mouvement d’arrêt d’activité dans les 1000 établissements privés qui était prévu à partir du 3 juin.
Les syndicats de médecins libéraux engagés dans la grève (Avenir Spé-Le Bloc, CSMF, UFML, SML, FMF) justifient leur décision en indiquant avoir « reçu [la semaine dernière] le texte de la convention médicale qui nécessite une analyse juridique et politique approfondie ».
Côté cliniques, le gouvernement a décidé de prendre des « engagements » qui « soutiennent le principe d’équité de traitement entre les différents acteurs de l’hospitalisation ».
Cette décision de cesser le mouvement de grogne est le résultat d’une longue négociation entamée le 8 avril avec le ministère de la Santé, qui avait bien conscience des risques que pouvait engendrer une grève nationale des cliniques sur la continuité des soins et sur la prévisible embolisation des urgences dans les hôpitaux publics. 75 000 patients risquaient d’être déprogrammés par les cliniques. Fait rare, l’Ordre des médecins avait même alerté jeudi 23 mai sur « l’arrêt inédit de l’activité des cliniques privées prévu dans quelques semaines », appelant même à « réviser les tarifs hospitaliers pour prévenir la paralysie des soins ».
Pour éviter la bérézina, les téléphones ont chauffé. Après la révélation de la campagne tarifaire pour 2024 qui avait suscité la bronca des cliniques, une dizaine de réunions ont eu lieu entre Ségur et la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), tête de proue de la contestation.
Extension des lignes de garde pour le privé lucratif
Son président, Lamine Gharbi, s’est dit ce 24 mai « soulagé » de ne pas avoir été jusqu’au conflit social. Pour accepter de lever la grève, il dit avoir obtenu des gages significatifs de la part de Frédéric Valletoux, ministre délégué à la Santé. Premier d’entre eux, a-t-il énuméré lors d’un point presse : l’assurance d’un protocole de financement pluriannuel sur 2025-2027 pour les cliniques, finalisé d’ici au 15 juillet. Si les montants restent à négocier, la FHP obtient ici une mesure réclamée de très longue date. La campagne tarifaire pour 2024, en revanche, ne bougera pas.
Ce protocole va contenir une mesure relative à la suppression de la minoration tarifaire avec laquelle le secteur privé à but lucratif devait composer chaque année en guise de neutralisation du crédit d’impôt pour la compétivité et l’emploi (CICE, avantage fiscal). Cette suppression sera effective à partir du 1er juillet, a précisé Lamine Gharbi, satisfait d’avoir obtenu la même chose que les deux autres grandes maisons hospitalières (Fehap, Unicancer).
Les ARS un peu plus généreuses
Toujours aux dires du président de la FHP, les cliniques ont obtenu des pouvoirs publics l’autorisation de s’impliquer davantage dans la permanence des soins. C’est une avancée importante pour le privé lucratif, qui devrait ici bénéficier de crédits complémentaires pour étendre ses lignes de gardes et rémunérer les médecins libéraux qui participent à la PDS. D’après Lamine Gharbi, ces crédits devraient permettre aux cliniques de financer leur réel niveau d’activité dans la PDS en établissement. Les médecins libéraux, eux, seront rémunérés à la hauteur de leurs confrères de l’hôpital public. « Ce sera effectif à partir du 1er janvier 2025 pour les gardes physiques de nuit et en week-end, par exemple assurées par les urgentistes, les pédiatres et les réanimateurs », a indiqué Lamine Gharbi, heureux de cette mesure « importante ».
La FHP a également obtenu que l’ensemble des salariés des cliniques bénéficient des mesures dites Borne.
Le ministère de la Santé se serait aussi engagé à ce que les agences régionales de santé (ARS) distribuent avec un peu plus d’équité leur fond d’intervention régional (FIR), dont bénéficient dans l’immense majorité les établissements de santé publics en difficulté.
« Je me sens légitime à porter cet accord car je sais que je vais certes continuer à souffrir en 2024, mais que l’équité de traitement sera bien là pour les cliniques dès l’année suivante », a conclut Lamine Gharbi.
La FHF « dénonce la volte-face des pouvoirs publics »
Action. Réaction. Dans un communiqué de presse publié le 24 mai, la Fédération hospitalière de France (FHF), visiblement remontée, réclame que « la garantie que ce choix [budgétaire pour les cliniques] n’entrave en rien le financement des hôpitaux publics et de leurs missions ». Elle « dénonce l’allocation de ressources exceptionnelles au profit du secteur privé commercial et demande la totale transparence sur le financement de ces mesures et des mesures supplémentaires pour l'hôpital public ». Pour l’organisation d’Arnaud Robinet, le « chantage » de la FHP crée « un précédent inédit qui ne sera pas sans conséquences, et ce, dans un contexte de mobilisation nationale à la fois sur les enjeux de santé publique et à la veille des Jeux Olympiques et Paralympiques ». Face à cette « volte-face incompréhensible et injuste », elle réclame « des garanties fortes » pour l’hôpital public.
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