Prévu par le budget de la Sécurité sociale pour 2021, le nouveau forfait patient urgences (FPU) est entré en vigueur ce 1er janvier 2022, avec quatre mois de retard sur le calendrier initialement prévu. D’un montant unique et fixe de 19,61 euros, il vient remplacer l'ancien forfait ATU (accueil et traitement des urgences) qui était de 27,05 euros et auquel s’ajoutaient, pour former l’ex-ticket modérateur, les coûts des soins, examens et actes prodigués. Concrètement, c'est de cette somme dont devront désormais s'acquitter les patients après tout passage aux urgences non suivi d'une hospitalisation. Ce forfait a vocation a être remboursé par la complémentaire santé du patient que celui-ci soit couvert par une mutuelle, une assurance, une institution de prévoyance ou encore la complémentaire santé solidaire (ex CMUC). Le plus souvent, il devrait pouvoir être pris en charge en tiers payant.
« À ce titre, il rend le montant d’un passage aux urgences sans hospitalisation plus lisible pour les patients et les usagers, son paiement plus compréhensible donc plus automatique et sa facturation plus simple pour les équipes hospitalières » a fait valoir, la semaine dernière, la Direction générale de l'offre de soins (DGOS) alors que la polémique commençait à monter, le nouveau forfait étant critiqué par de plusieurs organisations syndicales et partis d'opposition.
Forfait plus équitable ?
Le nouveau forfait est, en effet, jugé « plus équitable » par le ministère puisqu’il permettra de « juguler le niveau du reste à charge des patients » qui, jusqu’à présent, variait selon les soins reçus et des actes pratiqués. Parant aux critiques selon lesquelles ce nouveau forfait pourrait être un obstacle aux soins pour les patients les plus démunis, le ministère souligne les nombreuses minorations et exemptions. Ainsi, le FPU ne s'applique pas aux femmes enceintes à partir du 6e mois de grossesse, aux nouveaux-nés de moins de 30 jours, aux mineurs victimes de violence sexuelles, aux victimes d'actes de terrorisme, aux personnes écrouées, aux titulaires d’une rente ou d’une allocation accident du travail ou maladie professionnelle avec une incapacité de travail au moins égale à 2/3, aux bénéficiaires de l’Aide médicale d’État (AME) ou encore en « cas de risque sanitaire grave et exceptionnel ».
Il est également minoré à 8,49 euros pour les patients rattachés au régime accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP) avec une incapacité inférieure à deux tiers ainsi que pour les patients en affection de longue durée. Or jusqu'à présent, ces derniers étaient exonérés du ticket modérateur si le motif du passage était en lien avec leur ALD. Cette modification a été relevée par France assos santé, la fédération des associations de patients agrées.
« Ainsi, on peut considérer que des restes à charge en plus sont créés pour les soins en lien avec une ALD mais minorés pour les autres soins délivrés à ces mêmes personnes, écrit celle-ci dans un question/réponse sur son site. D’après les estimations du gouvernement, dans la majorité des cas, les passages aux urgences non suivis d’hospitalisation, des personnes en ALD, ne sont pas en lien avec leur affection, et donc facturables à taux plein aujourd’hui. France Assos Santé et ses associations membres suivront de près la question des restes à charge pour s’assurer qu’ils n’engendrent pas de renoncements aux soins ».
Un dispositif « contre-productif »
Pour autant, le nouveau forfait conserve de farouches détracteurs, notamment le Dr Christophe Prudhomme, urgentiste à Bobigny et porte-parole de l'Amuf et membre de la CGT, qui estime que les personnes qui « n’avaient pas les moyens de se payer une mutuelle devront désormais payer de leur poche » les passages aux urgences non suivis d’hospitalisation.
Pour le représentant de la CGT, le FPU est non seulement « punitif » pour les plus précaires, mais aussi « contre-productif en termes de santé publique ». Car, pour éviter de le régler, certains préféreront « renoncer aux soins ou ne viendront aux urgences que dans les situations très graves ». Et d’ajouter que, jusqu’à présent, ces personnes venaient aux urgences parce qu’ils n’avaient pas d’autres recours, puisque « beaucoup habitent dans des zones où il n’y a pas de médecins traitants ».
L’urgentiste réfute également l’argument du gouvernement concernant la simplification du système de facturation. Parce que « l’encaissement immédiat est aujourd’hui impossible à organiser, sauf si l’on crée des postes administratifs supplémentaires », assure le médecin. Mais aussi parce que les caisses de l’hôpital ne sont pas ouvertes quand les urgences observent leur pic d’activité : la nuit ou le week-end ou les jours fériés. La DGOS a effectivement reconnu la semaine dernière que « les hôpitaux ne seront pas tenus de faire payer tout de suite les patients et pourront continuer à envoyer la facture par la Poste jusqu'à ce qu'ils se soient adaptés ».
Les libéraux peu convaincus
Enfin, l’urgentiste n’est pas convaincu que le FPU permettra de désengorger les urgences, comme l’affirme le gouvernement, notamment parce que la médecine de ville n’a pas toujours la possibilité d’offrir une alternative aux patients. Un avis partagé, pour le coup, par le Dr Jacques Battistoni, président de MG France qui pense que « n’est pas une très bonne solution ». Selon lui, ce dispositif ne pourra fonctionner « que si la médecine de ville est en capacité de répondre aux demandes, ce qui n’est pas toujours le cas en raison des problèmes de démographie médicale ou dans les situations de fortes tensions ».
Enfin, comme le Dr Prudhomme, le président de MG France redoute que le FPU puisse mettre de côté les plus précaires. C’est la raison pour laquelle son syndicat réclame depuis une dizaine d’années que « les soins primaires soient pris en charge à 100 %, car on sait bien que les finances sont un frein à l’accès aux soins. »
De son côté, la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité a lancé une pétition pour réclamer la suppression de ce nouveau forfait. « Si les urgences sont surchargées c'est qu'elles ne sont pas en nombre suffisant, dénonce-t-elle. Ce forfait est un pas de plus vers la privatisation de la santé, c'est aussi l'exclusion d'une partie de la population ». Le recours aux services d'urgence était déjà payant, argumente de son côté la DGOS qui estime « important que le patient reçoive une information à la sortie des urgences pour lutter contre l'illusion de la gratuité ».
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