L'adoption par le Sénat de la suppression de l'aide médicale d'État (AME, remplacée par une aide médicale d’urgence recentrée sur les maladies graves et un panier de soins réduit) a provoqué l'ire des grandes fédérations hospitalières.
La Fédération hospitalière de France (FHF) dénonce « avec force » un « contresens moral, sanitaire et économique ». Cette réforme, argumente l'organisation présidée par Arnaud Robinet, risque, si elle était votée par l'Assemblée, « d’avoir des conséquences dramatiques sur un système de santé qui se trouve déjà en grande souffrance ». « La conduite d’une politique de santé publique cohérente, notamment dans la lutte contre des maladies contagieuses, implique nécessairement d’assurer le suivi médical et la prise en charge des personnes en situation irrégulière, qui sont souvent plus précaires et sujettes aux maladies infectieuses », argumente la FHF.
En privant aussi l'hôpital public des « financements associés » à la prise en charge de ces personnes malades (mais qui continueraient à être soignées), « la suppression de l’AME fragiliserait de façon extrêmement forte un hôpital public soumis à de fortes tensions budgétaires », ajoute la FHF. Sans compter « qu’une prise en charge précoce des problèmes de santé est souvent moins onéreuse qu’une prise en charge tardive ». Dernier argument, moral et éthique : « La suppression de l’AME placerait les soignants et professionnels de santé dans une situation de dilemme éthique et déontologique inacceptable : refuser des soins nécessaires et un soulagement de la souffrance ou soigner en dégradant la situation budgétaire de leur établissement. »
« Très vive inquiétude » des médecins
Représentant les cliniques privées, la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) souhaite elle aussi « préserver » l'AME. Le lobby présidé par Lamine Gharbi met d'abord en avant l'argument sanitaire. « Au-delà des enjeux politiques et moraux, il s’agit d’une décision qui va à rebours des enjeux de santé publique », développe la FHP. « Les personnes étrangères en situation irrégulière cumulent souvent une situation de précarité et une exposition plus grande aux maladies, notamment les maladies infectieuses : les soigner et les protéger est donc important et se fait au bénéfice de tous ». Mais le contresens est aussi financier. Une prise en charge précoce des maladies est aussi « la plus pertinente sur le plan économique », ajoute le patron des cliniques, qui soignent 20 % des patients bénéficiaires de l'AME.
Les deux fédérations hospitalières appellent l'Assemblée nationale à revenir sur la décision du Sénat lors de l'examen du texte par les députés, à partir du 11 décembre.
Invité ce jeudi sur France Inter, Nicolas Revel, directeur général de l'AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) a fait part de son côté de la « très vive inquiétude » de la communauté médicale. « La conviction que nous avons, c'est que si cette réforme allait au bout, elle aurait un effet délétère sur notre système de santé. Elle coûterait à la fin plus cher et elle constituerait un choc pour l'hôpital public », a-t-il affirmé.
"Attendre que quelqu'un soit très malade pour le soigner, c'est tout le contraire de ce que veut faire un système de santé."
— France Inter (@franceinter) November 9, 2023
Pour le directeur général de l'AP-HP, @nicolasrevel, si l'AME était supprimée, cela aurait "un effet délétère" sur l'hôpital public. #le710inter pic.twitter.com/gA89xoOay6
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