« La situation budgétaire des hôpitaux et Ehpad publics n’a jamais été aussi fragile », alerte ce jeudi Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF) qui exige des « mesures fortes » lors du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Double objectif : « compléter les budgets 2023 et assurer une évolution suffisante des financements en 2024 ».
La FHF fait valoir que le déficit structurel des hôpitaux aura doublé en 2022 (de 500 millions à un milliard d’euros) par rapport à la situation antérieure à la pandémie. Or, ces difficultés financières devraient encore s’aggraver en 2023, dans un contexte où les hôpitaux publics connaissent « une situation de sous-investissement depuis de nombreuses années et que le plan de soutien et de relance des investissements hospitaliers est déjà très obéré par l’inflation », précise la fédération hospitalière.
De fait, les établissements sont confrontés à un redoutable effet ciseau. D’un côté, les dépenses progressent « fortement » en raison des mesures de revalorisations salariales et de l’inflation, « non compensées intégralement ou non financées à ce jour dans l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam) hospitalier », déplore la FHF. De l’autre, les recettes stagnent : activité toujours inférieure au niveau d’avant-crise, tensions sur les effectifs et le capacitaire qui engendrent des déprogrammations et des reports de prise en charge.
Sous-financement des coûts
Pour sortir de cette impasse, la FHF réclame d'abord une forte « rectification » de l’Ondam hospitalier 2023, c’est-à-dire pour l'exercice en cours. Celui-ci devrait être relevé de 3,2 milliards d’euros, « dont 2,7 milliards pour le seul hôpital public », plaide la FHF, ce qui signifie une hausse de 3,16 % (par rapport au niveau actuel).
Ces nouveaux financements permettraient notamment d'amortir le choc de l’inflation (+1,5 milliard à ce titre), insiste la FHF. Car si l’Ondam hospitalier a déjà fait l’objet d’abondements importants, l’évolution continue des charges médicales, hôtelières et générales des hôpitaux publics (de l'ordre de 15 %) aboutit à un « sous-financement des coûts liés à l’inflation » pour l'ensemble des établissements de santé, recadre la FHF.
De surcroît, les mesures spécifiques de soutien au pouvoir d’achat des agents de la fonction publique – revalorisation du point d’indice en juillet 2023, prime pouvoir d’achat pour les bas salaires, etc. – nécessiteraient un coup de pouce supplémentaire d'un milliard d’euros, calcule la fédération.
Financer le plan sur l'attractivité des carrières
Mais au-delà, la FHF veut anticiper les mesures prochaines liées à l’attractivité des carrières à l'hôpital. La fédération fait référence à la revalorisation des sujétions de service public (gardes, astreintes, travail de nuit, de week-end et de jours fériés), dans les tuyaux depuis des mois. Des mesures transitoires ont été mises en place et reconduites depuis l'été 2022 et leur pérennisation est désormais promise, a récemment annoncé le nouveau ministre de la Santé Aurélien Rousseau. À ces mesures s’ajoute la question de l’évolution de la grille des PH, qui devrait faire l’objet de concertations dès septembre.
L'ensemble de ce plan sur les carrières pourrait représenter un coût compris entre 2 et 2,2 milliards en année pleine (dont 1,6 à 1,8 milliard pour les seules sujétions), pronostique la FHF. Si ces mesures étaient appliquées au 1er septembre 2023, leur coût serait de 700 millions d’euros pour la fin de l'année. Une autre facture à financer immédiatement…
Pour 2024, compte tenu à la fois du plein effet de ces mesures salariales et du contexte d'inflation, il faudrait « sécuriser le budget des hôpitaux » avec une augmentation de l’Ondam hospitalier de « près de 5 % », soit environ cinq milliards d’euros supplémentaires (en plus de la rectification 2023), avance déjà la fédération.
« Fragilité inédite des Ehpad »
Au-delà de l’hôpital, la situation budgétaire des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS), et plus particulièrement des Ehpad, connaît « une fragilité inédite tant dans son ampleur que dans sa généralisation à l’ensemble du territoire », alerte encore la FHF. Au bord de l’asphyxie financière, certains Ehpad sont aujourd’hui contraints de fermer, comme à Lanobre (Cantal), illustre « Le Monde ».
Selon une enquête de la FHF auprès de 20 % des Ehpad publics, 85 % d'entre eux étaient en situation déficitaire à la fin de l’exercice budgétaire 2022, avec un déficit moyen qui dépassait les 3 000 euros par place. Un décrochage qui fait craindre à la FHF « une dégradation de l’offre, faute d’avoir les ressources nécessaires pour investir, ainsi que pour assurer les dépenses de fonctionnement de base ». La fédération réclame, là encore, une enveloppe supplémentaire de 500 millions d’euros de la branche autonomie pour boucler le seul exercice 2023.
Ces financements devront s’accompagner d’une loi grand âge « très ambitieuse » qui devra « interroger le modèle de financement des établissements », revendique la FHF. En attendant ce nouveau modèle économique, le taux d'évolution nécessaire de la branche autonomie 2024 est estimé à 5,22 %.
À peine nommé, le ministre de la Santé va donc devoir répondre aux attentes extrêmement fortes du secteur sur tous les fronts – hospitalier, médico-social mais aussi libéral avec la reprise attendue des négociations conventionnelles.
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