En 2023, l’activité à l’hôpital public a bel et bien redémarré. Mais le système de santé conserve des fragilités. Selon Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), « il existe une dette de santé publique qui pourrait devenir une bombe à retardement ».
Premier enseignement du baromètre de la FHF : du fait de la crise sanitaire, 3,5 millions de séjours d’hospitalisation (soit 5,7 % de l’activité de la période) n’ont pas eu lieu entre 2019 et 2023 dans un contexte de reprise d’activité qui a concerné les actes peu invasifs et la chirurgie, mais pas l’activité de médecine qui est restée en dessous du niveau attendu.
Baisse du recours constante chez les plus de 85 ans
Ce sous-recours est homogène dans toutes les tranches d’âge à partir de 20 ans, soit entre 11 et 14 %. Il est plus prégnant chez les enfants (-18 % chez les 15-20 ans et – 17 % chez les 10-15 ans). Sur l’ensemble de l’activité MCO, les écarts entre recours attendu et réel semblent modestes, mais deviennent majeurs pour les 85 ans et plus. En 2023, cette baisse du recours aux soins pour les personnes âgées est constante. Alors qu’il est encore faible (-2 %) pour les 80-85 ans, il devient important pour les 85-90 ans (-8 %), pour les 90-95 ans (-10 %) et pour les plus de 95 ans (-10 %).
Le sous-recours touche en particulier les séjours hospitaliers en médecine. Cela se concentre sur les tranches d’âge de plus de 45 ans (- 428 000 séjours, soit – 8,4 %). Il est encore plus marqué pour les personnes âgées de plus de 70 ans (- 333 000 séjours de médecine, soit – 11 %). En dehors de la pneumologie dont l’activité a fait un bond avec la Covid, toutes les activités sont percutées par le phénomène, dont le digestif (-11 %), le cardiovasculaire (-13 %), le système nerveux (-11 %), la rhumatologie (-12 %).
Sous-détection des cancers
La dette cumulée des endoscopies représente 368 000 séjours. Si elle est en passe d’être compensée à moitié, ce décalage dans le temps « provoque une sous-détection ou un retard dans la détection des cancers qui peut induire une perte de chance et un risque de santé publique », alarme la FHF.
Les chirurgies digestives majeures dont les cancers (interventions sur l’intestin grêle et le côlon) n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant crise. De manière globale, les chirurgies digestives lourdes accusent un niveau de 7 % inférieur à celui attendu en 2023. Celles en neurochirurgie ont un niveau 6 % inférieur au niveau attendu en 2023. Enfin, 3 200 greffes n’ont pas été réalisées, dont 2 200 rénales. « Cette liste d’attente ne fait qu’augmenter depuis la Covid », déplore Arnaud Robinet.
La FHF avance deux principales hypothèses pour expliquer globablement cette situation : les tensions
persistantes sur les capacités hospitalières et une probable hausse du renoncement aux soins de la part des patients.
39 % des établissements se sont déclarés « hôpitaux en tension » en 2023 pendant en moyenne 50 jours
Fermeture des lits, légère embellie
Une enquête supplémentaire auprès de 365 centres hospitaliers et 28 CHU permet de comprendre l’impact de la crise en volume de journées d’hospitalisation. Le résultat montre une légère embellie (ou du moins une forme de stagnation), avec des fermetures de lits en médecine chirurgie obstétrique (MCO) de 7,2 % en 2022 et de 7 % en 2023. En cause pour la majorité des répondants : des fermetures liées à des difficultés RH. Seuls 22 % des établissements disent n’avoir fermé aucun lit en MCO. En chirurgie, la tendance est également à une légère amélioration, avec des fermetures de 8,4 % en 2022 et de 7,4 % en 2023. Les blocs opératoires rouvrent progressivement : 78 % sont ouverts en 2022 ; 81 % en 2023.
Cette situation de tension est toutefois habituelle. 39 % des sondés se sont déclarés « hôpitaux en tension » en 2023 pendant en moyenne 50 jours. 15 % d’entre eux ont lancé un plan blanc en 2023 pendant une moyenne de 20 jours. Les principales raisons évoquées sont l’afflux massif aux urgences (38 %), les carences de lits d’aval (36 %) et le manque de personnels/difficultés de recrutement (12 %).
Néanmoins, les établissements anticipent des réouvertures de lits en 2024 majoritairement en médecine, en chirurgie et en soins médicaux et de réadaptation, mais pas encore en obstétrique et en unités de soins et de longue durée. Sur ce dernier point, la FHF sollicite un débat urgent auprès des pouvoirs publics afin de concentrer les moyens sur les filières prioritaires. Et attend toujours les premiers arbitrages en matière de campagne tarifaire.
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