Auditionnés mardi par la commission d'enquête du Sénat sur l'hôpital, les présidents des conférences des directeurs (de CHU, de CH et d'établissements privés non lucratifs), suivis de François Crémieux, DG de l’AP-HM (Hôpitaux de Marseille), ont analysé les difficultés structurelles du système hospitalier, qu'il s'agisse des tensions sur les ressources humaines, de l'organisation interne ou du cadre financier.
Marie-Noëlle Gérain-Breuzard, présidente de la conférence des directeurs de CHU, a souligné le tourbillon de réformes et les évolutions majeures à l'hôpital depuis une trentaine d’années au premier rang desquelles la transformation radicale du rapport au travail. « Les aspirations au temps libre, le rapport à la hiérarchie, l’expression plus assumée de la souffrance au travail, le besoin renforcé d’équité, la course à une meilleure rémunération, le zapping professionnel, etc. », autant de mutations énumérées par la directrice générale du CHRU de Tours.
Miser sur les conditions de travail
Ces changements profonds se traduisent sur le terrain par « des difficultés de recrutement et de fidélisation », constate Marie-Noëlle Gérain-Breuzard. Cette problématique est aggravée par le fait que l’hôpital public ne se bat pas à armes égales avec le privé « en raison du niveau de rémunération et de contraintes qu’il propose ». Comment sortir de cette impasse ? « Abaisser totalement le niveau des contraintes sera difficile dans une structure dont l’une des missions premières est la continuité… », convient la DG du CHRU de Tours pour qui les directeurs doivent se concentrer sur l’amélioration des conditions de travail.
Faisant référence à l’audition des internes au Sénat, elle a admis à cet égard que l’organisation de l’hôpital était « très hiérarchisée » et qu’elle reposait « sur des rapports de domination parfois violents ». Et d’ajouter que la succession des réformes peine à résoudre ces dysfonctionnements puisque « les relations humaines échappent au cadre réglementaire » et que « leur évolution implique des prises de conscience encore trop longues à notre goût ».
Serviteurs de l'État
La contrainte est également financière. Avec des recettes qui ne suffisent pas, très souvent, à compenser les dépenses, l'équation budgétaire devient insoluble pour les managers, débouchant sur des objectifs « de plus en plus inatteignables », ajoute la présidente de la conférence des directeurs de CHU.
Or, les directeurs n’ont pas eux-mêmes les mains libres sur les finances car ce sont avant tout « les serviteurs de l’État », a souligné Francis Saint-Hubert, aux manettes de la conférence des directeurs de centres hospitaliers. Et d’ajouter que c’est la puissance publique qui a décidé de « réduire les dépenses et le nombre de lits » depuis une vingtaine d’années – et non les directeurs. Le DG du centre hospitalier départemental Vendée milite pour une enveloppe (Ondam hospitalier) « plus conséquente », adaptée aux besoins de la population.
Lui aussi plaide surtout pour l'amélioration des conditions d'exercice des soignants, passant aussi par une réduction de la charge de travail. Or, cette charge est notamment liée au ratio patients/soignants et à la qualité des équipements et des locaux, eux-mêmes dépendants des… contraintes budgétaires, constate-t-il. C'est pourquoi Francis Saint-Hubert défend la création de nouveaux métiers à l’hôpital pour « atténuer le cloisonnement entre médecins et autres professionnels ». Il imagine des métiers médico-sociaux de niveau bac + 5 ou bac + 6 qui « endosseraient certaines responsabilités cliniques et réaliseraient certains actes techniques ».
Être plus attractif pour les femmes
François Crémieux, directeur général de l’AP-HM, juge de son côté que le manque de personnel formé est en partie à l’origine des difficultés de recrutement. Quant à la concurrence du privé sur le plan de la rémunération, elle conduit à des « dérèglements internes majeurs des hôpitaux », selon le haut fonctionnaire.
Il propose de rendre les structures plus « attractives et représentatives » pour les femmes médecins, désormais « très majoritaires » durant les études. Or, « plus on monte dans la hiérarchie à l’hôpital, plus les femmes sont rares », regrette-t-il. Lui aussi constate des « hiérarchies fortes » et un « pouvoir souvent concentré entre un petit nombre de personnes ». Tout cela donne l’impression aux jeunes qu’il y a « un sentiment d’impunité à l’intérieur de nos structures », observe le DG des Hôpitaux de Marseille. Avec ce résultat : « Ceux qui ne supportent pas ces iniquités ou ces injustices ont tendance à nous quitter. »
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