Après les médecins libéraux, un autre front s'ouvre avec les cliniques privées. Ces dernières réclament un plan d'urgence associant « hausse des tarifs significative et immédiate » et « révision » de l'enveloppe 2023 du secteur privé à travers l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam). « Nos établissements de santé font face à une inflation exceptionnelle de leurs coûts qui nécessite une campagne de financement spécifique et inédite », a plaidé la semaine dernière Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), sans cacher son « irritation » face aux arbitrages du gouvernement.
Le regain de tension ne doit rien au hasard. L'exécutif met la dernière main à la nouvelle campagne tarifaire (prévue au 1er mars mais souvent décalée de quelques semaines), c'est-à-dire la grille des prix des tarifs des actes hospitaliers pour l'année en cours, des arbitrages décisifs. Parallèlement, le secteur privé lucratif a constaté avec « surprise et colère » la rallonge de 600 millions d'euros fléchée vers l’hôpital public dans le cadre de la révision de l'Ondam 2023 (notamment pour le travail de nuit), un arbitrage jugé inéquitable. « Une distorsion de traitement incompréhensible », accuse Lamine Gharbi.
Énergie, restauration, loyers : tout flambe
Dans ce contexte, la FHP a fait ses calculs. En 2023, l’impact de l’inflation (+70 % sur l'énergie, +9 % sur la restauration mais aussi des surcoûts sur les loyers, la blanchisserie, les achats médicaux, etc.) s’élèverait à « 3,4 milliards d'euros » tous secteurs – public et privé. Or, la compensation de cette flambée des coûts dans l'Ondam 2023 est loin d'être à la hauteur (2,1 milliards). « Il manque donc au moins 1,3 milliard », résume la FHP, ce qui commande une révision urgente de l'enveloppe hospitalière globale. Et sur ce montant, « une quote-part de plus de 500 millions devra bénéficier à l’hospitalisation privée », compte tenu du poids respectif des secteurs et de leurs structures de coûts relatives, évalue le lobby des cliniques. C'est donc une rallonge d'un demi-milliard d'euros que le privé lucratif réclame pour cette année.
Encore ne s'agit-il que d'un montant plancher, qui n'intègre pas le coût d’accompagnement par l’État des mesures de revalorisation des rémunérations des salariés des cliniques « afin de maintenir leur pouvoir d’achat ».
Besoins : +4,7 % sur les tarifs MCO
Mais avant même cette révision macroéconomique « indispensable » de l'Ondam 2023, la FHP revendique la hausse significative des tarifs des groupes homogènes de séjours (GHS) – donc des recettes – dans le cadre de la campagne imminente. Là encore, les cliniques ont fait leurs comptes. Il faudrait selon la FHP une augmentation de « 4,7 % » des tarifs (hors financement à la qualité –Ifaq) pour le secteur clé MCO (court séjour). En SMR (soins médicaux et de réadaptation, ex-SSR), l'augmentation réclamée est de « 2,81 % ». En psychiatrie, la revendication est de « 1 % » d’évolution tendancielle de l’objectif spécifique de dépenses. A défaut, les cliniques risquent de se trouver rapidement confrontées à de « graves difficultés financières et des problèmes de trésorerie », affirme lamine Gharbi. Selon l'évaluation de la FHP, 30 % des cliniques ont déjà des marges négatives.
Au-delà de ce bras de fer tarifaire et budgétaire, la FHP affiche son exaspération vis-à-vis des choix de l'exécutif, accusé de privilégier le secteur public. « Il faut une équité des engagements quel que soit le statut, recadre Christine Schibler, déléguée générale de la FHP. Mêmes missions, mêmes devoirs, ok, mais, aussi même reconnaissance. Je rappelle que nos salariés se sont fortement mobilisés pendant toute la crise sanitaire… » Pour Lamine Gharbi, « le respect n'est plus là. Or, nos établissements n'ont pas la capacité d'encaisser un pareil choc, deux années consécutives. »
Le coup de pression des cliniques vise aussi Emmanuel Macron, accusé à demi-mot d'avoir une approche hospitalo-centrée. « Il fait beaucoup de visites dans les hôpitaux publics », glisse Lamine Gharbi, qui rappelle au passage que les cliniques MCO sont très attachées à la tarification à l'activité (T2A).
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