« Libérez nos dossiers ! Appliquez la loi ! » Une trentaine de praticiens à diplômes hors UE (Padhue) ont bravé la pluie ce mardi après-midi pour participer à un « sit-in » devant le Centre national de gestion (CNG) de Paris, situé à quelques encablures de l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP). S'ils sont venus manifester leur colère, c'est en raison des multiples retards et couacs liés à leur nouvelle procédure d’autorisation d’exercice, qui prolonge leur statut précaire. Sur leurs pancartes, on peut lire : « hôpitaux sans Padhue, services en arrêt », « médecin en détresse » ou « application juste de la loi stock ». « Nous demandons une application juste de la loi car nous constatons beaucoup de refus de dossiers actuellement » explique Kahina Ziani, porte-parole de l'association SOS Padhue qui a été reçue par un représentant du CNG.
Cette réforme prévoyait que les autorisations temporaires d'exercice devaient prendre fin le 31 décembre prochain. Mais, en raison des retards dans le traitement des dossiers, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 reporte au 30 avril 2023 la date limite de passage en commission nationale d’autorisation d’exercice (CNAE) des Padhue. Il permettra d’instruire l’ensemble des dossiers de demande d’autorisation d’exercice des praticiens qui relèvent de la procédure dite du « stock ».
Manque de considération
« Pour la pédiatrie, pour la bronchiolite, pour la psychiatrie, pour les services en tension, on est là ! Pour la reconnaissance, on n’est pas là ! », entonnent les manifestants. Parmi eux, le Dr Hakim Khettab, médecin généraliste à l’HEGP, est venu « défendre ses droits ». Dix ans déjà que ce Padhue travaille en France, contraint de vivre dans la « précarité ». « Je ne suis toujours pas inscrit à l’Ordre, j’enchaîne les contrats, j’ai une épée de Damoclès sur la tête », explique le praticien de 44 ans originaire d’Algérie, dont l’autorisation temporaire d'exercice court jusqu’à la fin de l’année. « Nous avons fait médecine pour être à côté de nos patients, nous demandons simplement de pouvoir continuer à travailler », revendique le Dr Khettab.
Impossible d'exercer
À ses côtés, la Dr Meslem est « sans poste » depuis la fin de son dernier contrat, le 31 octobre dernier. Arrivée en France en 2010 en tant que faisant fonction d’interne (FFI), ce chirurgien pédiatre estime que son statut actuel « l’empêche d’être recrutée ». Elle aurait trouvé un poste à l’hôpital Necker, mais ne peut pas y accéder. L’administration lui rétorque qu’elle « n’a pas les autorisations », voire qu’elle n’est « pas inscrite à l’Ordre ». Or, cela fait déjà six ans qu’elle exerce dans sa spécialité, plus de dix ans déjà qu’elle a déposé son dossier.
L’avenir de la Dr Meslem s’inscrit en pointillé, d’autant plus qu’elle a des problèmes avec la préfecture qui a renouvelé son titre de séjour jusqu’à la fin de l’année. Elle attend donc que sa situation se « débloque au plus vite » et que la « loi soit appliquée », c'est-à-dire qu’elle puisse « exercer le métier » pour lequel elle a été « formée ».
La plupart des praticiens présents au « sit-in » sont dans une situation délicate. À l’image de Farid*, un Padhue spécialisé en gériatrie aiguë. Originaire du Maroc, il déplore un « manque de considération », non seulement parce que son « dossier traîne », mais aussi parce que « l’on ajoute à chaque fois de nouveaux critères de validation ». Installé en France depuis 2014, ce FFI gagnerait 1 350 euros net par mois, voire 1 600 euros quand il fait des gardes. « Si je faisais le ménage, je gagnerais 2 000 euros net par mois ! », enrage Farid qui demande du « respect » pour tout ce qu’il a « fait pour la France ».
Procédure d'autorisation d'exercice « abusive »
Sophiane attend lui depuis des années la validation de son dossier pour pouvoir continuer à exercer. Titulaire de deux D.U., il travaille dans la même unité depuis plus neuf ans, « avec un statut d’interne, à raison de 60 à 70 heures par semaine ». Selon le médecin originaire d’Algérie, « la grille d’évaluation des dossiers n’est pas claire car il y a de grosses disparités entre les différentes commissions ». Sophiane estime que la procédure d'autorisation d'exercice est « abusive » : « certains Padhue exercent en pédopédiatrie, et on leur demande de faire un parcours de consolidation en pédopédiatrie, comme s’ils n’avaient pas examiné leur dossier ! »
Le médecin croit également savoir que de nombreux dossiers ont été rejetés car les Padhue avaient travaillé en tant qu’infirmiers. Selon lui, la loi dit clairement que ceux qui ont exercé en tant qu’infirmiers peuvent déposer leur dossier. « Mais, certaines commissions disent "vous n’avez pas travaillé comme médecin durant trois ans, donc on rejette votre dossier". » Une injustice de plus pour Sophiane.
* Le prénom a été modifié pour des raisons de confidentialité
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