En estimant qu’ils pouvaient disposer des prisonniers et des déportés slaves, juifs ou roms internés dans les camps de concentration pour mener sur eux des expérimentations scientifiques, les médecins nazis s’inscrivaient dans cette idéologie qui faisait des Allemands une « race supérieure » face à d’autres peuples considérés comme « inférieurs ». La certitude de travailler pour le bien du peuple allemand, quel qu’en fût le prix, leur a permis de s’affranchir de tout remords… au point que l’un d’entre eux, le Pr Eugen Haagen, s’étonna de ne jamais avoir été couronné par un Prix Nobel.
L’un des mérites du rapport de la commission historique est d’avoir fait un point détaillé sur leurs recherches, leurs méthodes et leurs victimes. Otto Bickenbach avait fait inhaler du phosgène, un gaz de combat particulièrement redoutable, à plusieurs déportés afin de tester sur eux un antidote. Ces expériences se déroulèrent en 1943 et 1944 dans la chambre à gaz du camp du Struthof, au mépris absolu des risques et des souffrances effroyables qu’elles entraînaient.
Gaz moutarde et vaccin contre le typhus
Lors de son procès, Bickenbach affirma que ces déportés étaient « consentants » et pouvaient interrompre l’expérience à tout moment, ce qui était un mensonge. Ces faits étaient connus et quatre victimes, toutes issues des communautés roms, avaient pu être identifiées jusque-là, mais les travaux de la commission ont permis d’en recenser une quarantaine de plus.
Il en est de même pour les victimes d’autres recherches menées par Hirt pour développer des antidotes au « gaz moutarde », la fameuse ypérite. Haagen mena, de son côté, des recherches en vue de mettre au point un vaccin contre le typhus : au-delà du fait que sa méthodologie, sur un plan purement scientifique, n’avait au dire des virologues actuels, aucune chance d’aboutir, son vaccin coûta la vie à 18 des 196 déportés – désormais clairement identifiés – sur lesquels il l’expérimenta.
Lésions cutanées
En outre, les chercheurs se sont intéressés à d’autres services universitaires, jusque-là moins étudiés que les instituts des professeurs les plus compromis. Des expériences particulièrement douloureuses sur les lésions cutanées causées par les punaises ont été menées à la clinique dermatologique, un aspect peu connu de son histoire.
Si de nombreux malades mentaux ont été euthanasiés en Allemagne à partir de 1935, les patients hospitalisés durant l’Annexion dans des institutions psychiatriques alsaciennes, à Strasbourg et dans le Bas-Rhin, ont presque tous échappé à ce sort. Mais trois d’entre eux au moins ont été gazés à Hadamar, alors l’un des principaux centres d’euthanasie de malades mentaux allemands. Enfin, les doutes qui subsistaient quant à l’assassinat d’enfants handicapés, hospitalisés en pédiatrie, ont été levés par ces recherches.
Le rapport aborde enfin les cursus et l’activité des médecins, mais aussi des étudiants de l’époque, dont beaucoup firent ensuite toute leur carrière à Strasbourg. On y trouve quelques aspects inconnus ou inattendus de l’histoire de la période : tandis que certains déportés du Struthof faisaient l’objet de recherches insoutenables, d’autres ont pu bénéficier de véritables traitements et furent par exemple transférés et opérés, certes sous bonne garde, à la clinique ophtalmologique universitaire.
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