Le journaliste Philippe Tesson, qui a chroniqué la vie politique et culturelle en France pendant plus d'un demi-siècle, est décédé à l'âge de 94 ans, a appris jeudi l'AFP auprès du Théâtre de Poche-Montparnasse à Paris, qu'il dirigeait.
Avec sa femme médecin, la Dr Marie-Claude Millet (1942-2014), il avait également fondé « Le Quotidien du médecin » et « Le Quotidien du pharmacien ».
Ce patron de presse, entrepreneur, homme de théâtre, mais aussi polémiste connu pour son franc-parler, s'est éteint à son domicile de Chatou (Yvelines) mercredi, a indiqué le jury du prix Interallié. Rédacteur en chef du légendaire journal « Combat » (1960-1974), Philippe Tesson a fondé son propre journal, « Le Quotidien de Paris », qu'il a dirigé pendant 20 ans (1974-1994).
Il a été pendant plus d'une décennie critique dramatique au « Canard enchaîné » et longuement chroniqueur, théâtral au « Figaro Magazine » et politique sur le site internet du « Point ».
« Je suis un journaliste, c'est-à-dire un écrivain du moment, et non pas de la durée. J'ai choisi de privilégier l'action par rapport à la contemplation », confiait-il dans les colonnes de cet hebdomadaire en 2019. « Un Jean d'Ormesson caustique et anticonformiste, vestige intéressant d'un temps où la presse était encore riche de dandys », comme dépeignait « Libération » dans un portrait de 2011. Un « voltairien impliqué dans la mêlée et détaché, insolent au fleuret, un coup à gauche, un coup à droite, cavalier au clavier, méchant parfois parce que ça maintient », selon le quotidien suisse « Le Temps ».
Le journalisme « par hasard »
« Aujourd'hui, les journalistes peuvent encore tout dire mais on n'en trouve plus beaucoup pour le dire », regrettait-il. Pour des déclarations sur « les musulmans qui amènent la merde » tenues quelques jours après les attentats de janvier 2015, cet ex-éditorialiste à Valeurs actuelles avait affronté un procès pour incitation à la haine. Il l'avait remporté.
Né le 1er mars 1928 à Wassigny dans l'Aisne, il dit avoir « été constitué par la guerre », avec l'occupation de son village qui l'a marqué. S'il débute sa carrière en tant que secrétaire des débats parlementaires à l'Assemblée nationale, ce diplômé de Sciences Po s'oriente très vite, et « par hasard », vers le journalisme, en devenant à 32 ans rédacteur en chef du journal d'Albert Camus, « Combat ». Il le quittera au bout de quinze ans en raison d'un « grave différend » avec son directeur Henri Smadja.
Il fonde ensuite avec sa femme Marie-Claude Tesson-Millet (décédée en 2014) « Le Quotidien du Médecin », dont le succès lui permettra de créer son propre quotidien généraliste en 1974, « Le Quotidien de Paris » , lancé avec une partie de l'équipe de « Combat ». Avec ce quotidien libéral, soutien de Valéry Giscard d'Estaing puis opposant à François Mitterrand, il met le pied à l'étrier à de nombreuses personnalités : Eric Zemmour, Jean-Marc Sylvestre, Catherine Pégard, Claire Chazal.
« Le Quotidien a été le journal d'une génération, d'une bourgeoisie éclairée », décrivait-il fin 2017 dans « L'Opinion ». Deux ans après son départ en 1994, la publication cessera.
« Résolument de droite »
« Aujourd'hui, je suis résolument de droite. À 90 ans, on n'est plus à gauche. Même [Jean-Luc] Mélenchon changera », s'amusait ce passionné de politique, ami de jeunesse de Pierre Mauroy, plus tard de Nicolas Sarkozy, soutien déclaré d'Emmanuel Macron. Il a signé des essais politiques comme De Gaulle Ier en 1965 ou Où est passée l'autorité ? en 2000. Ses grandes passions, le théâtre et la littérature, lui viennent de sa mère. « Elle m'a appris la supériorité de l'expression sur l'introversion. Elle était théâtrale et extravertie », racontait-il au « Temps ».
Côté littérature, il a animé une émission sur France 3 (« Ah ! quels titres »), été chroniqueur sur Paris Première et dirigé l'hebdomadaire « Les Nouvelles Littéraires ». Il a rejoint le jury du prix Interallié en 1993. Côté théâtre, cet amateur de piano dirigeait avec sa fille Stéphanie le Théâtre de Poche-Montparnasse depuis 2013 et avait racheté une librairie, une revue (L'Avant-scène théâtre) et une maison d'édition (Quatre vents).
Avec ses deux autres enfants (la journaliste Daphné et l'écrivain voyageur Sylvain), il se ressourçait dans la maison familiale en bord de Seine, comme le raconte avec humour le prix Interallié 2022, Roman fleuve de Philibert Humm.
L'ensemble de la rédaction du « Quotidien » présente ses plus sincères condoléances aux enfants - en particulier à Daphné, ancienne collaboratrice des pages culture du journal -, à la famille et aux amis de Philippe Tesson.
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