La Confédération des praticiens hospitaliers (CPH) et Avenir Hospitalier portent un regard sans concession sur le développement professionnel continu (DPC) entré officiellement en vigueur le 1er janvier dernier. Les deux syndicats publient ce mercredi les conclusions d’une enquête consacrée aux attentes des praticiens hospitaliers vis-à-vis de la nouvelle obligation annuelle et qui se met « péniblement en place ».
En deux semaines, plus de 5 500 PH se sont exprimés, dont une « forte représentation de PH investis dans la vie de leur établissement (chefs de pôles, de services, de structures internes, membres de CME et syndiqués) ». Voici les principaux enseignements de cette enquête.
• Un DPC méconnu et d’une « rare complexité »
Selon les résultats de cette enquête, les PH sont peu familiarisés avec le nouveau dispositif d’amélioration des pratiques dont « les contours se dessinent encore au fil de l’eau » avec la parution sans discontinuer depuis plus d’un an de nouveaux arrêtés et de circulaires.
L’organisation du DPC est jugée « d’une rare complexité ». « Des ambiguïtés ou flous résiduels subsistent et les sanctions ordinales paraissent mythiques », poursuivent la CPH et Avenir Hospitalier.
De fait, le DPC peine à rencontrer l’adhésion des PH puisque 60 % ignorent tout du dispositif. 7 praticiens sur 10 disent ne pas avoir été informés par leurs organisations professionnelles ou leur établissement. Plus grave, 3 PH sur 4 n’ont pas réfléchi à leur DPC et 84 % ne connaissent pas les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS) en la matière.
On est donc loin d’atteindre les objectifs ambitieux des pouvoirs publics qui tablaient sur l’adhésion d’au moins la moitié des PH en 2013. Pour la CPH et Avenir Hospitalier, l’engagement actuel des PH au DPC est un « vrai fiasco ».
• 5 à 10 jours de formation par an
Les PH demeurent attachés à leur traditionnelle FMC. Ils déclarent y consacrer entre 5 à 10 jours par an. Cette FMC répond à des spécificités selon l’âge des praticiens. Les plus jeunes sont férus de DU et de DIU mais participent moins aux congrès et suivent beaucoup moins les formations financées par les laboratoires. 39 % des PH ont participé à des formations qui traitent explicitement d’une analyse des pratiques professionnelles et de leur amélioration (EPP). « Avec le DPC, il faut brutalement que ce pourcentage monte à 100 %. Mais comment y arriver alors que 43 % des PH ne les jugent que peu intéressantes pour leur formation continue ? », s’interrogent la CPH et Avenir Hospitalier.
• Un financement inférieur aux besoins
Les PH consacrent en moyenne 2 360 euros par an pour leur formation. Cette somme est le montant moyen estimé nécessaire chaque année pour financer le DPC des PH. Ce financement est souvent mixte associant l’hôpital, l’industrie, des caisses de service et des fonds personnels, mais rarement un engagement exclusif de l’hôpital ou de l’industrie (dans moins de 10 % des cas). Ce montant est presque le double de l’enveloppe prévisionnelle de 1 200 à 1 500 euros qui avait été estimée par l’ANFH pour chaque praticien hospitalier.
« Le financement pour les PH est flou », déplorent la CPH et Avenir Hospitalier, qui s’interrogent sur le montant total de l’enveloppe globale pour chaque PH. « Pour l’instant, l’inquiétude porte plutôt sur le faible nombre de demandes de financement de DPC, chaque PH étant dans l’expectative au vu de la complexité du dispositif, observent les auteurs de l’enquête. Mais si chacun demande sa prise en charge au titre du DPC, les fonds nationaux ne seront pas suffisants. »
• Des PH mal représentés dans les instances du DPC
La CPH et Avenir Hospitalier jugent que la représentation et les espaces de parole ouverts aux PH au sein des instances décisionnaires du DPC sont faibles. Les deux syndicats accusent l’OGDPC, l’ANFH, la Fédération des spécialités médicales (FSM) et les collèges de spécialités d’« exploiter l’opacité réglementaire pour occuper l’espace de formation ainsi institué et surtout financé ». « Les PH salariés sont extrêmement minoritaires au sein des instances de l’OGDPC », et peu représentés au sein de l’ANFH, organisme qui centralise et finance les demandes de DPC des PH. Les praticiens s’inquiètent, dans ce contexte, des espaces de liberté restant aux PH pour « maîtriser » leur DPC. Les syndicats redoutent que les actions de développement soient très variables selon les établissements et que les médecins salariés ne soient « des nouveaux pauvres, futurs exclus de la formation » : « Déjà des sociétés privées flairant la bonne affaire s’installent sur le marché. »
• Changement de cap ?
La CPH et Avenir Hospitalier demandent en urgence de simplifier le DPC pour « le rendre compréhensible et transparent pour chacun ». La ministre de la Santé a demandé une enquête à l’IGAS en ce sens. Les syndicats mettent en garde, « l’attentisme » des PH sur ce dossier ne va pas durer : « La formation médicale continue est le support de la qualité de nos pratiques. Nous ne saurons accepter que la bureaucratie nous vole aussi cette part de notre métier. » La CPH et Avenir Hospitalier évoquent un possible moratoire sur le DPC des hospitaliers, afin de l’adapter aux attentes des PH.
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