Introduire l’art dans le soin, c’est le projet de l’association Art dans la Cité depuis plus de vingt ans. En 2014, elle a conçu Illuminart, un dispositif vidéo immersif, qui projette des œuvres, interactives ou contemplatives, dans les chambres ou les lieux de soins. Au départ développé pour les chambres bulle en pédiatrie, Illuminart propose désormais un panel d’œuvres, pour différents publics, enfants comme adultes. Le dispositif clé en main est constitué d’un boîtier nomade composé d'un vidéoprojecteur relié sans fil à une tablette, où sont installés l’ensemble des contenus et avec laquelle le patient peut interagir. Aujourd’hui, une vingtaine d’établissements en sont équipés, en France et en Europe, que ce soit en pédiatrie générale, cancérologie, soins de suite et réadaptation, urgence et réanimation, service Alzheimer, maisons de répit, etc.
Mais le confinement est venu rebattre les cartes. « Nous ne pouvions plus du tout entrer dans les hôpitaux, rappelle Rachel Even, directrice artistique et déléguée générale de l’association Art dans la cité. Nous avons donc été poussés à développer un service à distance, via une plateforme, Illuminart.fr »
Très vite, cette plateforme a ouvert de nouvelles possibilités. Elle a d'abord été testée par les services qui disposaient du boîtier Illuminart. Les contenus ont alors été adaptés pour d’autres supports : vidéoprojecteurs fixes plus puissants, écrans tactiles HD, casques de réalité virtuelle, etc. « Notre boîtier clé en main a l’avantage d’être nomade, mais il nécessite de la pénombre, ce qui est incompatible avec certains soins ou dans certains espaces comme les salles d’attente. Avec la plateforme, nous proposons un accompagnement complet et, selon le matériel dont dispose le service, dans quels lieux et à quels publics il souhaite s’adresser, nous conseillons des outils technologiques adaptés », explique Rachel Even. Les œuvres nécessitent une bonne qualité de matériel pour être pleinement appréciées. Elles peuvent ensuite être téléchargées via la plateforme. Certaines, comme l’Aquarium virtuel, s’adressent aux enfants, les Promenades en forêt concerneront davantage aux adultes, tandis que les ados apprécient particulièrement le Planétarium musical interactif. Le Muséum s'adresse à tous les publics.
L’abonnement à la plateforme Illuminart.fr revient à 250 euros par an, les contenus, qui peuvent ensuite être utilisés à volonté par le service adhérent sur différents lieux ou supports, sont facturés de 300 à 500 euros TTC chacun, sachant qu’il faut compter entre 3 000 et 6 000 euros pour le matériel si le service n’en est pas équipé.
Dix œuvres sont actuellement proposées. « Depuis le premier confinement, nous avons créé de toutes pièces un musée avec des salles d’expositions, un auditorium, des espaces de détente, et une nouvelle œuvre, la Promenade dans le jardin des déesses. Mais nous voudrions créer bien plus de contenus artistiques pour élargir le catalogue des œuvres proposées à nos publics. La plateforme Illuminart.fr va nous permettre de nous recentrer sur cet aspect artistique, toujours en partenariat avec les services », souligne Rachel Even. C’est en effet l’actuel président de l’association, le Pr Raphaël Vialle, qui avait suggéré la première œuvre, l’Aquarium virtuel. Ce chirurgien à Trousseau avait installé un vrai aquarium tropical dans son service, mais celui-ci nécessitait un entretien trop important… Il s’était adressé à l’association pour retrouver ce côté immersif et apaisant, dans une œuvre grandiose projetée dans les espaces du service.
Une efficacité prouvée sur la douleur, l’anxiété, les troubles cognitifs
Et c’est ce côté grandiose, par son très grand format, qui fonctionne particulièrement dans l’art visuel. Ici, le numérique apporte vraiment un plus à la création artistique elle-même, le patient y est plongé, un peu comme dans l’Atelier des lumières à Paris, mais à l’échelle de la chambre et avec des œuvres crées spécifiquement pour les publics de l'hôpital, qui peuvent aussi interagir. Une dimension cathartique qui dépasse le simple agrément du beau.
Plusieurs publications ont démontré les bénéfices d'Illuminart sur le bien-être des patients, de leurs accompagnants… et même des soignants. Une étude présentée au congrès Pédiadol en décembre 2020 (1) a démontré sa supériorité sur l’hypnose, pour la gestion de la douleur en pédiatrie. L’immersion dans ces créations projetées permet aussi à des patients paucirelationnels de s’exprimer de nouveau et d’interagir. Cela a un effet sur la réduction de l'isolement, sur l’estime de soi (en particulier les contenus interactifs qui permettent au patient lui-même d’être créatif), la cognition et le stress. Le patient peut l’utiliser seul ou en groupe, dans des ateliers de praxie par exemple.
« L’art a un impact très fort, c’est décuplé avec l’interactivité et l’immersion. Nos premiers résultats ont été tellement encourageants que nous avons voulu aller vers de nouveaux publics. Aujourd’hui, avec la plateforme, nous travaillons sur de nouveaux projets, toujours dans un dialogue entre les équipes et les artistes qui maîtrisent la 3D et l’immersion, c’est un échange nourri », se réjouit Rachel Even. Dans les tiroirs, une promenade parmi des animaux sauvages, une balade multisensorielle olfactive, et une création spécifiquement adressée aux soignants qui ont besoin de souffler.
La plateforme Illuminart.fr est disponible pour tous les hôpitaux depuis juin 2021, des webinaires sont régulièrement organisés ainsi que des entretiens dédiés pour accompagner les services dans leurs projets.
(1) Céline Bouchart et al. Illuminart : bienfaits de la distraction immersive. 27e journées Pédiadol, déc 2020
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne