« L’hôpital… Par en haut ou par en bas ? » Telle était la thématique d’un colloque organisé au Sénat par deux sociologues spécialisés sur les questions de santé : Frédéric Pierru (CNRS) et Ivan Sainsaulieu (Université de Lille). À leurs côtés, des chercheurs et acteurs de monde de la santé invités à débattre de la gouvernance hospitalière, une problématique qui s'est invitée par petites touches dans la campagne présidentielle.
Selon les sociologues, à défaut de pouvoir réconcilier les deux mondes, l'enjeu est de renforcer « l'hôpital du bas », qui serait incarné par « des professionnels de terrain devant travailler plus avec moins de moyens matériels, financiers et humains » et l’« hôpital du haut », « une technostructure et des décideurs de plus en plus autonomisés de la réalité du travail concret des équipes ».
Patron gestionnaire
Pour le Pr Stéphane Velut, PU-PH, chef de service de neurochirurgie au CHU de Tours, auteur d’un essai remarqué intitulé « L’Hôpital, une nouvelle industrie. Le langage comme symptôme » (Gallimard/collection Tracts/2020), l’opposition entre ces deux mondes s’est renforcée depuis la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST). Et d'expliquer qu'on a placé aux manettes de l’hôpital « un patron qui est devenu gestionnaire, tandis que le personnel soignant est resté dans le secteur du soin », confronté à une « impossibilité de travailler dans de bonnes conditions ».
Pour le médecin écrivain, les professionnels de santé se sont progressivement retrouvés « face à un char sans tourelle ni pilote, le char du néolibéralisme ». Et lorsqu'ils sont eux-mêmes attaqués, les gestionnaires et les financiers répliquent « qu’ils travaillent aussi pour le bien du patient », décrypte le Pr Velut, persuadé que le personnel soignant se retrouve ainsi désarmé.
Mouvements sociaux
Dans ce contexte, comment faire contrepoids ? Quels ressorts utiliser ? La multiplication des mouvements sociaux récents a du moins montré la capacité de réaction et même de résistance des personnels : grève du secteur de la psychiatrie en 2018, grève des urgences en 2019, puis extension du conflit aux autres services hospitaliers, création des collectifs inter-Urgences (CIU) ou inter-hôpitaux (CIH), démission de chefs de service de leurs fonctions administratives, etc.
Pour le Dr Christophe Prudhomme, délégué national de la CGT santé, l’émergence de ces collectifs va dans le bon sens, puisque « les syndicats ne peuvent pas créer à eux seuls le rapport de force ». L'urgentiste estime également que la défense de l’hôpital public devra s’appuyer de plus en plus sur les usagers. « Les seuls combats gagnés ces dernières années, c’est quand on a mobilisé la population dans les territoires. S’il n'y avait eu que les soignants, on aurait été perdants », analyse l'urgentiste.
Michel Antony, fondateur de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité mise lui aussi sur la convergence des luttes. « Si on veut contrer ce vent néfaste lié au capitalisme », il faudra « parler avec les usagers/citoyens, avec les personnels concernés directement mais aussi avec les élus locaux ». Un « triptyque » seul capable à ses yeux de renforcer la démocratie au sein de l’hôpital public, aujourd’hui gangrené par « sa structure pyramidale interne ».
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