L’acteur Reda Kateb a reçu vendredi 20 février le César du meilleur acteur dans un second rôle, pour son interprétation d’Abdel, un médecin algérien « faisant fonction d’interne (FFI) dans « Hippocrate », de Thomas Lilti. Le film, inspiré de l’expérience personnelle de son réalisateur-médecin dans les hôpitaux parisiens, concourrait aussi pour les César du meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur (Vincent Lacoste) et meilleure actrice (Marianne Denicourt). Il retrace les premiers pas d’un interne, Benjamin, dans le service de médecine interne d’un grand hôpital parisien, ponctués par ses doutes, ses erreurs, sa culpabilité, mais aussi ses relations avec ses co-internes et les patients, et la solidarité entre soignants.
Pas un brûlot, un hommage
« Je suis vraiment très touché. J’aime beaucoup les seconds rôles, qui ont cette chose collective du métier d’acteur, des rôles pas faits pour prendre toute la lumière, mais pour raconter des histoires, porter des projets, être solidaires de quelque chose qu’on a envie de défendre », a déclaré Reda Kateb en montant sur la scène du théâtre du Chatelet. « J’avais très envie de jouer ce rôle de médecin. On n’a pas joué au docteur à l’instinct. On s’est fait passer pour des stagiaires auprès de patients pour comprendre ce pacte de confiance qui existe entre les malades et les médecins », a-t-il confié en coulisses. « "Hippocrate" parle de la France qui sait accueillir. Ce n’est pas un film brûlot, pas pour dénoncer mais rendre hommage à tous ceux qui contribuent à sa richesse », a poursuivi l’acteur révélé en 2009 par Jacques Audiard dans « Un prophète ».
Dans un entretien au « Quotidien » réalisé lors de la sortie du film, Thomas Lilti expliquait son choix de mettre en lumière la vie de ces FFI (faisant fonction d’interne). « Je voulais rendre hommage aux médecins étrangers. Ils sont très présents pendant les gardes, la nuit, et m’ont beaucoup appris. La médecine : la première ponction lombaire, la façon de parler à un malade, l’interprétation d’un signe clinique. La vie aussi, car ils ont parfois 15 ans de plus que les autres internes. Ils sont soi-disant venus en France finir leur formation. Pure hypocrisie : on a besoin d’eux pour faire tourner les hôpitaux français. »
« Soutiers de l’hôpital »
« J’ai commencé la médecine en 1973 en Algérie et je suis arrivé, diplômé en chirurgie, en 1987 en France comme FFI » témoigne le Dr Jamil Amhis, président de la Fédération des praticiens de santé (FPS). « Nous étions des seconds rôles, des soutiers de l’hôpital, mais on tenait la baraque. On était exploité : à l’époque on était payé 57 % de moins que les autres médecins. On vivait de gardes et de sales boulots », se souvient-il, tout en insistant sur les évolutions qui ont eu cours depuis.
Aujourd’hui, les médecins étrangers voient dans la procédure d’autorisation d’exercice (PAE) une reconnaissance de leur travail. Les humiliations se conjuguent au passé. « Nous avons mis deux décennies pour être reconnus et notre carrière est désormais bien ficelée », estime le Dr Hani-Jean Tawil, trésorier de la FPS. Néanmoins, il perçoit toujours « une préférence catégorielle » : « On reste des étrangers, et très peu d’entre nous accèdent aux postes de professeurs, de président de CME, ou d’élu ordinal. »
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