« Il n’existe pas un système Orpea, mais un système à perfectionner, celui des Ehpad en général ». Auditionné mercredi par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le Dr Jean Claude Marian, neuropsychiatre de formation, fondateur d'Orpea, a minimisé ses responsabilités, réfutant la « caricature » de son groupe et s'employant à battre en brèche les accusations dont il fait l’objet dans « Les Fossoyeurs », le livre-enquête du journaliste Victor Castanet.
Quelques jours plus tôt, la défense laborieuse de plusieurs dirigeants d'Orpea ou de l'ancien « cost killer » du groupe d'Ehpad avaient « déçu » la commission. Les questions précises des députés ont reçu des « réponses vagues » qui « venaient parfois noyer le poisson », laissant « un sentiment de désinvolture parfois même d’arrogance », a recadré dès le début d’audition la députée Fadila Khattabi, présidente de la commission.
Déni
Mais celui qui est accusé par « Les Fossoyeurs » d’avoir installé un système, conduisant à une forme de maltraitance institutionnelle, s’est, lui aussi, souvent contenté de réponses évasives, tout en jouant la carte de l’irresponsabilité. Il a martelé qu’il n’avait plus de « fonctions et responsabilités opérationnelles au sein du groupe depuis 2013 », tout en répétant qu’il ne désirait en aucun cas « se défausser ».
D’une voix chevrotante, le président d’honneur d’Orpea, aujourd’hui âgé de 82 ans, a défendu l'« œuvre d'une vie entière », « à tenter de faire mon métier le mieux possible ». « De tout temps, nos directeurs d’Ehpad m’ont entendu dire la même chose : "je veux que vous gériez un Ehpad comme si vous deviez accueillir votre mère ou votre père" », s’est encore justifié le fondateur d’Orpea, qui a réfuté l'existence d'un « système cupide, cynique tout entier porté vers le profit ».
Contre-vérités
Ce n'est donc pas lui « le concepteur d’un monstre inhumain et froid destiné à cette horrible fonction de "parcage" des vieux ». Jamais il n’aurait prononcé cette dernière expression qui lui est prêtée dans le livre, jamais il n’aurait proposé de l’argent au journaliste – 15 millions d’euros – en échange de son silence. Jamais enfin il n’aurait déjeuné avec l’ex-ministre de la Santé Xavier Bertrand, accusé dans l’ouvrage d’être « l’assurance tous risques du groupe » (en étant bienveillant sur les autorisations).
Quant à la question des repas et des couches, elle n’aurait « pas été traitée de manière honnête » dans le livre, selon le Dr Marian qui nie « toute forme de rationnement ». Sur le fond, la rationalisation des coûts instaurée par Orpea n’aurait pas, selon lui, conduit à « une forme d’optimisation » nuisant à la qualité des prestations.
Interrogé par la députée Annie Vidal (LREM) sur la mise en place de trois logiciels qui auraient « régi le système de prise en charge industrielle du grand âge qui ne peut que générer de la maltraitance collective », le médecin fondateur d'Orpea a répondu qu’il n’avait « aucune idée de ces logiciels ». Questionné sur l'existence de marges arrières auprès de certains fournisseurs, le président d’honneur d'Orpea a répliqué qu’il n’était « absolument pas au courant » de ces rétrocommissions car il n’avait « jamais mis les pieds dans le service des achats ».
La ligne de défense du Dr Jean-Claude Marian a souvent consisté à dire qu’il s’occupait « surtout du développement de l’entreprise ». À partir de 2002, il se serait concentré sur l’international « et ne s’occupait pratiquement plus du tout de la France ».
« Pas informé »
Le député Boris Vallaud (PS) a manifesté son vif agacement en fin d’audition. « Votre seule réponse consiste à dire que vous n'étiez pas informé parce que vous n’alliez pas mettre votre nez dans les affaires de vos directeurs ! Mais vous les avez nommés, et vous leur avez demandé des comptes. Est-ce que vous êtes en train de dire qu’ils ne vous rendaient aucun compte ? » Réponse de l’intéressé : Victor Castanet a commencé à travailler sur son ouvrage à partir de 2019 mais « je suis parti complètement du groupe en 2017 ».
Clôturant la séance, la députée Fadila Khattabi (LREM) a résumé l'état d'esprit de ses collègues. « On reste sur notre faim. Vous ne nous avez donné que très peu de réponses, si ce n’est qu’il y a eu probablement quelques erreurs… » Le Dr Jean-Claude Marian a alors réitéré ses « excuses » auprès des résidents et de leurs familles, qui ont subi de mauvais traitements dans les Ehpad Orpea. Et fini par concéder : « On a fait plein d’erreurs, on en fait tout le temps parce qu’on a un métier. Ce n’est pas par pur plaisir. »
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