Pas facile de passer après le président de la République… Lundi dernier, François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention, et Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée aux Professions de santé, se sont pourtant pliés à l'exercice des vœux aux blouses blanches devant un parterre d'invités triés sur le volet mais hors de la présence de la presse. Dans son discours aux « forces vives » (de presqu'une heure) retransmis par vidéo, l'ancien urgentiste s'est employé à dresser le calendrier et la méthode des chantiers préalablement annoncés par Emmanuel Macron, lors de ses propres vœux au CH de Corbeil-Essonnes, le 6 janvier.
Une seule date précise a été annoncée : celle de l'entrée en vigueur, deux ans après la loi, du plafonnement des salaires des praticiens intérimaires à l'hôpital. À partir du 3 avril, les médecins ne pourront plus être payés plus de 1 140 euros pour une garde de 24 heures. D'ici là, les ARS doivent regarder là où cela peut encore coincer. Le secteur privé est lui aussi appelé à une forme de régulation « éthique » des rémunérations.
François Braun a surtout annoncé une ribambelle de missions et concertations. Ainsi, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) va travailler dès les « prochains jours » sur la permanence des soins à l'hôpital, sujet sur lequel elle a déjà émis des recommandations en octobre et préconisé que les ARS écrivent des schémas impliquant public et privé. Le ministre ne fait pas mystère que la régulation des admissions aux urgences par le Centre 15 a vocation à perdurer. Enjeu corollaire, la « juste reconnaissance » pour les soignants des sujétions des nuits, week-ends et jours fériés ainsi que « sa prise en compte au fil de la carrière » fera l'objet au « premier trimestre » d'une concertation en lien avec le ministère de la Fonction publique.
Pas de critique directe des 35 heures
Autre thématique sur le feu depuis la rentrée : la qualité de vie et le management hospitalier. Emmanuel Macron a souhaité une rénovation du tandem directeur/président de CME. Le duo Olivier Claris (PU-PH aux HCL) et Nadiège Baille (DG du CHU de Dijon) vont plancher sur la question qui doit se traduire dans la loi avant l'été.
En revanche, le ministre s'est bien gardé de cibler les 35 heures à l'hôpital comme l'avait fait le chef de l'État. Il a indiqué plus sobrement que, d'ici à l'été, une réflexion serait menée sur « une nouvelle façon d’organiser le temps de travail des soignants, pour limiter les heures supplémentaires et donner plus de stabilité aux plannings ».
Dernier objectif pour l'hôpital : la sortie du « tout T2A » (et non pas de la T2A dans sa totalité). Quatre ans après un rapport sur ce sujet – déjà à la demande du président de la République –, une nouvelle « équipe projet » au ministère devra répondre à la même question. Mais avec l'idée cette fois de « tourner le dos à la logique comptable » qui a pu « aboutir à une forme de rationnement des soins ».
Main tendue mais…
S'agissant de la médecine de ville, le ministre a tendu la main aux libéraux sans s'avancer sur le montant de la hausse de la consultation que les syndicats de libéraux voudraient connaître pour reprendre sereinement la négociation. « Je souhaite (...) que l’Assurance-maladie et les médecins définissent les moyens de mieux reconnaître et valoriser le rôle et l’engagement des médecins traitants », s'est-il borné à dire tout en confortant le directeur de la Cnam. Pas de régulation à l'installation ni de retour à l'obligation des gardes mais une ferme invitation à augmenter les files actives et à participer à la permanence des soins. Le ministre a évacué le déploiement du tiers payant et la modération des dépassements d'honoraires comme des « enjeux importants à ne pas perdre de vue », sans autre directive.
Côté assurés, une « instance de pilotage » sera installée sous l'égide de la Cnam pour contacter les 600 000 patients en ALD sans médecin traitant et « leur proposer des solutions concrètes » d'ici à l'été. Parallèlement, « nous travaillerons aux conditions du développement d’équipes traitantes pluriprofessionnelles (...) autour du médecin traitant », a assuré François Braun. Et un nouvel acteur devrait y faire une apparition : le patient expert ou pair aidant. Une annonce surprenante alors que les représentants de la profession s'inquiètent déjà de la montée en compétences des paramédicaux. Sur ce sujet, le ministre a tenté de rassurer : « à ceux qui réclament un accès direct dérégulé, je dis très sereinement que je ne le permettrai pas ».
Le ministre n'a pas oublié la promesse de « simplifications » annoncées dès février sur la base des conclusions de la mission portée par Pierre Albertini, ancien directeur de la Cpam de Paris, et le Dr Jacques Franzoni, généraliste et président de la CPTS de Valenciennes. Des communautés de libéraux que le gouvernement entend pousser au maximum. Agnès Firmin Le Bodo a annoncé à cet effet une mission d'évaluation « pilotée par un médecin et un directeur de caisse primaire », qui lancera « un tour de France des CPTS » en vue d’une généralisation. Un autre « tour de France » des services d'accès aux soins (SAS) sera mené afin de généraliser ces plateformes de réponse aux appels urgents d'ici à la fin de l'année.
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