LE QUOTIDIEN : Pourquoi avoir mis en place cette étude sur l’éclairage dans les blocs opératoires ?
Dr PATRICE PEYRAT : Les liens que nous avons mis en place depuis une dizaine d’années sur d’autres projets avec l’équipe recherche de chez Maquet (Getinge Group) dirigée par Jean-Pierre Breysse, puis l’ouverture d’un nouveau bloc opératoire équipé par Maquet nous a conduits à accepter de participer à l’évaluation d’une nouvelle fonction sur l’éclairage opératoire : la fonction LMD du Powerled qui a pour but d’adapter la quantité de lumière fournie par l’éclairage en fonction des tissus exposés. Elle permettrait donc de limiter la fatigue visuelle en lien avec un trop fort éclairage. Il nous fallait donc montrer une relation entre éclairage opératoire et fatigue visuelle et également évaluer la fatigue visuelle dans des conditions simples. Utilisateur quotidien d’éclairages opératoires, j’étais particulièrement intéressé par cette thématique qui avait jusque-là été mal ou peu étudiée.
Comment s’est déroulé le projet ?
Une étude de faisabilité a été réalisée en 2015 en essayant de chercher quels tests pouvaient évaluer la fatigue visuelle. Nos connaissances sur cette thématique étaient limitées et nous avons souhaité faire intervenir des « professionnels » de la vision. Nous avons alors pris contact avec l’école d’orthoptie de Lyon (Université Lyon1) et avons débuté une collaboration entre le CLB, Maquet et l’école d’orthoptie de Lyon. La première étape réalisée en 2016 permettait de structurer les conditions de réalisation des tests et d’évaluer leur pertinence : évaluation de la fonction visuelle pour chaque intervenant, réalisation de tests au bloc opératoire avant et après une intervention chirurgicale d’une durée d’au moins 3 heures, par laparotomie.
La deuxième étape (2017) réalisée dans les mêmes conditions semblait retrouver une différence avant et après une intervention chirurgicale pour trois tests (mesure de la phorie par aile de Maddox, mesure de l’amplitude de fusion et mesure du Punctum Proximum).
La troisième étape réalisée en 2018 utilisait globalement les mêmes tests avec une amélioration de la mesure du Punctum Proximum. Pour cette troisième étape, le plan et l’analyse statistique ont également été structurés et réalisés avec l’aide du bureau d’études cliniques du CLB. Nous avons également conduit les tests avec 3 niveaux d’intensité lumineuse (faible, moyenne et forte).
Instinctivement, pensiez-vous que certains éclairages étaient moins fatigants ?
Instinctivement, nous pensions que la quantité de lumière (quel que soit le fabricant d’éclairage) posait problème. Les éclairages à LED apportent cependant un confort de travail plus important : ils sont plus légers et dégagent moins de chaleur. Les constructeurs ont longtemps mis en avant la quantité de lumière que l’éclairage opératoire peut apporter. Souvent les salles sont équipées de deux éclairages opératoires ; la quantité de chaque éclairage se rajoute. Il peut y avoir une sensation d’éblouissement si les éclairages sont à leur maximum.
Quels conseils prodiguez-vous aux utilisateurs d’éclairage en vous fondant sur les résultats de vos recherches ?
Suite à ce travail et aux nombreuses discussions faites durant ces trois années, il me paraît légitime de faire trois propositions pour diminuer l’impact de la lumière sur la fatigue visuelle et donc la fatigue en général. Il faut éviter les contrastes forts entre le champ opératoire et l’ambiance lumineuse de la salle. Il faut donc maintenir une ambiance lumineuse significative, favoriser la lumière naturelle et éviter d’opérer avec une salle dans la pénombre. Il faut éviter de focaliser trop fortement la tache lumineuse lorsque cette fonction est présente sur l’éclairage. Il faut débuter l’intervention avec un éclairement le plus faible possible et augmenter de façon très progressive lorsque le champ est plus profond ou plus sombre. Il faut être attentif également, lorsque l’on dispose de deux éclairages opératoires, de ne pas surexposer le champ opératoire puisque les niveaux d’éclairement s’additionnent entre les deux éclairages.
Vous conseillez une faible intensité mais cette pratique pourrait-elle influer sur la qualité opératoire ?
Non, le minimum fourni par les éclairages est déjà important (environ 40 000 lux). L’œil s’habitue à l’éclairement et cela laisse de la marge pour augmenter la puissance, selon la profondeur du champ. Dans ma pratique le niveau d’éclairage reste au minimum pendant toute l’intervention.
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