Après l'intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) qui considère que les accords de juillet 2020 ne permettront pas de restaurer l’attractivité des PH, c’est au tour des salariés de l'Établissement français du sang (EFS) de faire grève, depuis aujourd'hui jusqu'à vendredi.
Depuis un an, les trois principaux syndicats (CFDT, FO, CFE-CGC) de l'établissement public chargé de la collecte et de la distribution des produits sanguins se mobilisent sans beaucoup de succès pour obtenir les hausses de salaire, à l'instar de celles obtenues par les personnels hospitaliers dans le cadre du Ségur de la santé. À l'EFS, les grilles de classification et de rémunération n’ont pas été révisées depuis 13 ans.
Contacté par « Le Quotidien », Benoît Lemercier, délégué syndical central CFDT de l’EFS, estime que ce manque de revalorisation est « le terreau du mécontentement » des 10 000 salariés de l’EFS, car « la révision des grilles est normalement quinquennale ».
De fait, seuls les techniciens de laboratoires, les infirmières et les cadres médico-techniques déjà en poste cet été ont obtenu des revalorisations ciblées. Les autres « n’ont rien eu », dénonce Benoît Lemercier, alors que les organisations syndicales avaient demandé « une augmentation équitable et équivalente pour tous les personnels, soit environ 130 métiers à l’EFS ».
Les médecins de l’EFS (466 en 2020) sont notamment concernés, puisque « leurs salaires sont sans commune mesure avec les salaires de l’hôpital public ou du privé », rappelle le délégué syndical. À titre d’exemple, le salaire des médecins de collecte de sang démarre 3 419 euros brut par mois selon la grille de rémunération conventionnelle de l’EFS.
Malgré cela, les seules revalorisations accordées aux médecins depuis 2020 ont été les augmentations individuelles effectuées de gré à gré, croit savoir le délégué syndical qui constate sur le terrain des « écarts de rémunération énormes entre les médecins, qui vont parfois quasiment du simple au double ». En effet, certains avaient plus de marges de négociation, en fonction des difficultés rencontrées par l’EFS sur certains sites ou dans certaines régions. C’est la raison pour laquelle le syndicaliste demande que les grilles de salaire soient « lissées ».
Dégradation des conditions de travail
Cerise sur le gâteau : les médecins font partie, avec les infirmiers et les techniciens de laboratoire, des métiers où l’EFS peine le plus à recruter. Difficile dans ces conditions pour l’établissement de respecter la législation sur le temps de travail et d’éviter les horaires à rallonge pour les médecins. Benoît Lemercier donne l’exemple de libéraux en fin de carrière qui ont décidé de s’orienter vers la transfusion sanguine, en espérant trouver des bonnes conditions de travail.
« Sauf qu’il y a régulièrement des dépassements d’heure en collectes mobile, déplore le syndicaliste. Normalement, elles sont planifiées jusqu’à 20 heures mais, à 22 h 30, beaucoup ne sont toujours pas rentrés chez eux ». Une situation qui toucherait aussi les autres métiers de l’EFS et qui entraînerait un turn-over sans précédent. « Toutes les semaines, des gens démissionnent. Les nouveaux arrivants, à peine formés, repartent direct… », a affirmé Benoît Lemercier à « Libération ».
Les salariés de l’EFS multiplient donc les actions pour se faire entendre par la direction et le ministère : grève, pétition, présence dans les médias, questions de députés à l’Assemblée nationale, etc. Mais ces actions peinent pour l’instant à renverser le rapport de force, notamment parce que l’établissement « use et abuse » du droit d’assignation. « Dans beaucoup de nos activités, c’est l’ensemble du personnel qui est assigné », précise le syndicaliste. Contactée par « Le Quotidien », la direction a confirmé les assignations.« Afin de ne pas prendre de risque pour l’autosuffisance, les personnels dont l’activité est nécessaire pour le bon fonctionnement de la chaîne transfusionnelle ont été assignés, permettant d’assurer une prise en charge sécurisée des patients », indique l'EFS.
Risque de pénurie de stocks
Pendant ce temps-là, des centaines de collectes de sang sont annulées tous les mois, tandis que des sites de prélèvement sont régulièrement fermés, faute de personnel. « Les effectifs sont tellement peu nombreux que dès que quelqu’un tombe malade, on est obligés de fermer le site », déplore Benoît Lemercier qui craint que « le système transfusionnel devienne très tendu, avec des donneurs qui viennent et se découragent parce que les sites ferment du jour au lendemain. »
Autre inquiétude du syndicaliste : le risque de pénuries de poches de sang. En septembre dernier, par exemple, « les stocks étaient très bas, on avait jamais vu ça, on était aux environ de 70 000 poches, c’était du jamais vu à l’EFS », alors que l’établissement utilise en général environ 10 000 poches de sang par jour, poursuit Benoît Lemercier.
L’EFS a donc dû faire un appel aux dons, ce qui a permis d’éviter la pénurie. Mais combien de temps faudra-t-il attendre avant la prochaine alerte ? Notamment quand on sait que « le personnel est de plus en plus sur le fil ». Si bien que, parfois, en raison du manque de personnel, l’établissement est contraint de sous-traiter l’analyse des « tubes » à des laboratoires privés, voire de transférer l’activité sur un autre site. Dans ce dernier cas, « le délai de réactivité est beaucoup plus lent quand il y a des urgences », regrette le délégué syndical.
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