Ancien officier négociateur du RAID (unité d’intervention de la police nationale), formé à l’académie du FBI, Laurent Combalbert intervient également auprès des médecins qu’il forme à gérer des situations complexes avec des patients réticents ou non observants. Entretien.
LE QUOTIDIEN : Comment en êtes-vous venu à former des médecins à vos méthodes de négociation ?
LAURENT COMBALBERT : Début 2001, j’étais invité à HEC pour faire une conférence – j’officiais encore au sein du RAID. Un participant m’a interrogé sur une négociation complexe qu’il devait mener. En fait, il s’agissait d’un pédiatre spécialisé dans la mucoviscidose qui faisait face à des adolescents refusant le traitement. Il m’a demandé si je pouvais l’aider et nous avons travaillé sur son dossier, en réfléchissant à des méthodes de négociation adaptées aux jeunes patients. Cela a bien fonctionné, nous avons réussi à réduire l’inobservance de moitié. À partir de là, j’ai été sollicité par un autre médecin de son service, puis par un oncologue, et j’ai commencé à former des médecins. Cela a été une découverte pour moi, car finalement le métier de négociateur est très transposable à celui de soignant !
C’est une approche de la négociation beaucoup plus vertueuse. Au sein de la police, la négociation permettait d’éviter l’intervention par la force, mais celle-ci restait possible, tandis que les médecins n’ont pas de rapport de force et ne peuvent rien imposer – hormis des cas très particuliers. Ils doivent trouver un moyen d’induire le changement chez le patient sans lui forcer la main, mentir ou manipuler.
Sur quel genre de situations intervenez-vous auprès des médecins ?
En plus des traitements sur la mucoviscidose avec de jeunes adolescents, qui souvent rejettent l’autorité de la blouse blanche, nous avons aussi beaucoup de situations en dermatologie, sur le traitement du psoriasis, où les médecins ont dû mal à faire accepter le traitement, qui n’est pas facile.
Il y a également l’inobservance du traitement de l’hypertension, avec les cardiologues, ou encore la prise en charge de la sclérose en plaques pour les neurologues. Et puis, il y a aussi le cas du patient qui refuse carrément la relation avec le médecin car il estime qu’il n’est pas malade, qu’il fait ce qu’il faut pour être guéri et n’a pas besoin de traitement.
Nous formons surtout dans les services hospitaliers mais nous avons de plus en plus de médecins généralistes demandeurs de conseils. Dans un service, il y a l’infirmier, le cadre, pour aider le médecin, tandis que le généraliste est le seul "négociateur" pour comprendre le profil du patient. Il vit des situations tendues et parfois pendant des années en tant que médecin traitant. Et quand vous arrivez en fin de journée, après 30 consultations avec un patient qui a décidé de ne pas prendre son traitement, ce n’est pas simple…
En quelques mots, comment appliquer les méthodes de négociation face à un patient ?
La plupart des médecins n’ont que 20 à 30 minutes de consultation, donc ils ne peuvent pas y passer trop de temps. On a créé un programme spécifique à l’observance patient, baptisé « POP », pour qu’en quelques minutes le médecin puisse se poser les bonnes questions face à un patient non observant ou réticent. La première chose est de s’interroger sur le type de pouvoir que vous attribue le patient, et donc sur lequel s’appuyer : le pouvoir institutionnel (la blouse blanche), le pouvoir situationnel (la connaissance médicale et scientifique), le pouvoir personnel (âge, sexe) et le pouvoir relationnel.
Ensuite il faut avoir un objectif commun pour motiver le patient, qui peut avoir le sentiment d’être contraint et obligé. Par exemple en disant, "si vous arrêtez de fumer, vous pourrez à nouveau marcher avec vos petits-enfants", au lieu de "il faut arrêter de fumer".
Enfin, il y a la position du patient, l’enjeu sous-jacent, sur lequel le médecin doit travailler. Par exemple, une position de refus d’un traitement peut être liée à un déni, un refus de la maladie – mais il y a plein d’hypothèses. Se poser ces questions améliore la qualité de la relation médecin/patient au quotidien, et moins de relations tendues c’est bénéfique d’un point de vue psychologique et physique.
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