C'est l'une des mesures censées doper l'attractivité des carrières médicales à l'hôpital. Entré en vigueur en 2022, le nouveau statut unique de praticien hospitalier, qui fusionne ceux de PH à temps plein et de praticien des hôpitaux à temps partiel, vise plusieurs objectifs : simplification statutaire, souplesse dans la modulation de la quotité de temps de travail tout au long de la carrière et promotion de la mixité d’exercice. C'est du moins ce qu'a expliqué Ève Parier, directrice générale du centre national de gestion (CNG), lors d’une table ronde organisée par le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (Snphare).
De fait, les PH pourront cumuler leur emploi hospitalier public avec l’exercice d’une activité privée lucrative (libérale ou salariée) dans des conditions assouplies. Tout praticien exerçant « entre 50 % et 90 % » pourra développer cette activité privée, sous réserve d’en informer son employeur au préalable. Jusqu'à présent, ce droit était réservé aux praticiens des hôpitaux à temps partiel (40 % à 60 %). Cette évolution correspond aux aspirations de la nouvelle génération, à la recherche d’un « exercice plus diversifié, dans différentes structures, sous différentes modalités », observe Ève Parier (CNG), persuadée qu'il s'agit d'un facteur d’attractivité pour l’hôpital.
Des déséquilibres au sein des services
Pour autant, il faudra prendre garde à cadrer ce droit, à l'heure où nombre d'équipes médicales sont fragilisées par une pénurie de ressources humaines, un absentéisme et des postes vacants. La condition est de « ne pas se heurter au collectif et à la pérennité des organisations. On ne peut pas faire de l’exercice mixte du jour au lendemain sans avertir qui que ce soit », recadre la directrice du CNG. C’est pourquoi des « garde-fous » ont déjà été intégrés au statut : motifs des demandes de changement, quotité de travail minimale de 600 heures par an pour une activité salariée…
Il sera primordial de « réguler » l'exercice mixte, prévient aussi le Pr Souhayl Dahmani, chef de service d'anesthésie-réanimation de l'hôpital Robert Debré (AP-HP). « Quand on est à temps partiel ou en exercice mixte, on a du mal à assumer une certaine continuité des soins, il faut de la constance dans la présence », insiste-t-il. Autre inquiétude, « les nouveaux déséquilibres entre les temps plein et les autres, car certains, notamment les piliers du service, vont s’investir plus que d’autres ». Pour accompagner cette réforme, il préconise une formation au management pour les chefs de service.
D’autres médecins sont encore plus inquiets, à l’image du Dr Yves Rébufat, anesthésiste au CHU de Nantes. Celui-ci s’inquiète du « morcellement » de l’activité des PH. « Entre la prime de solidarité territoriale (PST, censée favoriser les remplacements de praticiens, sur la base du volontariat, entre établissements publics) et la possibilité d’aller travailler dans le privé, on va se retrouver avec un statut où les gens vont aller butiner à droite et à gauche ». Le risque serait particulièrement fort en début de carrière, car « on demande souvent aux jeunes d’aller boucher les trous à la sortie de leur internat », alerte le président exécutif d'Avenir hospitalier (AH).
Risques supplémentaires ?
Autre problématique soulevée, cette fois, par le Dr Raphaël Briot, praticien au Samu de Grenoble : le risque d'être bloqué dans un exercice à temps réduit, avec la menace de fragiliser les parcours professionnels. « Si un médecin décide de prendre un 60 %, quelle garantie a-t-il de pouvoir reprendre un temps plein public en cas de besoin ? » La directrice du CNG assure qu'il sera possible de repasser d’un poste à temps réduit à un temps plein, mais sans garantie sur tous les points. « Cela ne sera pas forcément dans les mêmes conditions et sur le même poste, dans le même établissement. »
Ex-présidente du Snphare, la Dr Anne Geffroy-Wernet tire la sonnette d'alarme sur les évolutions. « Aujourd’hui, l’attractivité de l’hôpital et de son statut, c’est de pouvoir en sortir ! C'est "Venez, en tant que PH, vous pourrez travailler dehors !" », ironise l’anesthésiste, déplorant que le nouveau statut unique n'améliore pas les conditions de travail des praticiens en poste. Elle redoute que l'éclatement des temps de travail « complique » l’organisation des services et la continuité des soins. « Il y a un risque supplémentaire à chaque fois qu’il y a de l’interface », résume-t-elle. Lors des négociations sur la refonte statutaire, son syndicat avait réclamé « un pourcentage minimum de temps plein et de PH titulaires dans les services. C’est cela qu’il fallait faire pour sanctuariser les piliers et le noyau de l’équipe », souligne la Dr Anne Geffroy-Wernet.
Dumping
La Dr Emmanuelle Durand, présidente du Snphare, s’inquiète de possibles dérives avec la multiplication de contrats « à la carte », sur fond de pénurie médicale. La possibilité de moduler les quotités de temps de travail pourrait ouvrir une nouvelle boîte de Pandore dans les hôpitaux. Déjà, les tarifs de l’intérim vont parfois « jusqu’à 2 000 euros la journée ou 3 000 euros la garde, donc je ne vois pas pourquoi, sur le temps de travail, on ne ferait pas des appels d’offres du type "deux fois 10 %" », observe l’anesthésiste du CHU de Reims. Elle met en garde contre le risque de « dumping » avec des petits établissements qui seront « obligés de souscrire à une quotité de temps de travail à la demande pour attirer les médecins ».
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