Les médecins ont-ils été parfois contraints de trier les patients admis en réanimation pendant l'épidémie de coronavirus ? Cette question n'en finit plus d'animer les auditions de la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la gestion du Covid-19.
Ce mardi 28 juillet, les députés auditionnaient plusieurs sociétés savantes et organisations représentantes des urgentistes et des anesthésistes-réanimateurs. Compte tenu des tensions en lits et en matériel, les professionnels sont partagés sur la nécessité d'édicter une doctrine de crise concernant l'accueil des patients.
S'agissant des critères d'admission de patients en réanimation, le Pr Éric Maury se veut clair. « Nous n'avons pas changé notre stratégie pendant la crise », affirme le président de la Société de réanimation de langue française (SRLF). Reprenant à son compte un argument avancé quelques minutes plus tôt par son homologue de la Société française de médecine d'urgence (SFMU), la Dr Agnès Ricard-Hibon, il évoque le « marathon » que représente souvent un passage en réanimation pour les patients, spécialement les plus âgés.
« C'est un soin agressif, on va faire souffrir le patient. Si c'est pour lui donner une qualité de vie déplorable au sortir de réanimation, ce n'est sans doute pas pertinent », explique le praticien de l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP). Et le PU-PH de poursuivre : « La durée moyenne de séjour d'un patient ventilé est estimée à deux à trois semaines (...). Se dire qu'on va faire subir ce genre de choses à des personnes déjà très fatiguées, très dépendantes ce n'est pas très raisonnable. »
« Des gens ont dû mourir car il n'y avait pas de respirateur »
Malgré cette doctrine inchangée, l'afflux brutal et massif de patients et le manque de matériel a-t-il conduit à un triage ? « Cela n'a pas été très fréquent mais certains hôpitaux expliquaient qu'ils avaient plus de patients en grande détresse qui arrivaient que de respirateurs », raconte le Pr Maury. « Des gens ont dû mourir car il n'y avait pas de respirateur », lâche-t-il.
Plutôt que de tri, le médecin préfère parler de « priorisation », un « exercice médical extrêmement difficile qui doit mettre en avant l'expérience, le savoir-faire et le socle éthique » des professionnels. Pour autant, la situation n'étant pas similaire dans toutes les régions, il paraissait impensable au Pr Maury de fixer des recommandations nationales. Si certaines devaient être publiées, le réanimateur met en garde contre leur « instrumentalisation après la crise ».
Pas de priorisation
« Les systèmes d'accueil en réanimation n'ont pas été dépassés », affirme de son côté le Pr Hervé Bouaziz, président de la Société française d'anesthésie-réanimation (SFAR). Mais dans l'hypothèse où ils auraient pu l'être, la SFAR a publié au début de la crise une recommandation afin de prioriser les traitements. Celle-ci n'a cependant pas été appliquée. « Hormis peut-être quelques cas individuels, il n'y a pas eu sur le territoire de mise en route des systèmes de priorisation », affirme le Dr Marc Leone, secrétaire général adjoint de la SFAR.
Pour le Pr Bouaziz, il fallait se préparer à un débordement des capacités de réanimation. « Le premier arrivé, le premier servi n'est pas dans notre philosophie », justifie-t-il. « Il ne faut pas que ce soit le hasard qui dicte l'entrée des patients en réanimation, cela doit être réfléchi et tout le monde doit faire de la même façon », assume l'anesthésiste du CHU de Nancy.
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »