Les blouses blanches qui battront le pavé jeudi 14 novembre pour défendre l'hôpital public auront-elles très majoritairement les cheveux gris ? Rien n'est moins sûr, plusieurs syndicats de juniors ayant décidé de rejoindre la mobilisation.
À l'appel du collectif inter-hôpitaux, constitué fin septembre autour de praticiens chefs de service, des milliers de soignants sont attendus dans les rues de Paris. En plus des 13 organisations de personnels hospitaliers (médecins et paramédicaux) qui poussent à cette mobilisation, plusieurs structures étudiantes ont choisi d'entrer dans la danse pour réclamer un « plan d'urgence » pour l'hôpital public incluant des moyens financiers et humains supplémentaires.
C'est d'abord le cas de l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF). À l’issue d'une assemblée générale à Paris, elle a déposé un préavis de grève pour le 14 novembre, les carabins souhaitant démontrer leur attachement au service public hospitalier, très menacé à leurs yeux. « On se sent concernés, on s'est lancés dans ces études pour le soin aux personnes. On ne descend pas souvent dans la rue, aujourd'hui cela signifie que l'on a atteint un point de rupture », explique Romain Levesy, premier vice-président de l'ANEMF qui encourage les carabins à rejoindre la capitale ou à marquer le coup localement. La France compte 24 000 étudiants dans le second cycle des études médicales.
Les internes parisiens en première ligne
Avant l'ANEMF, le Syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP) avait ouvert le bal en lançant un appel à la grève pour l'ensemble des internes franciliens le 14 novembre. Son président, Julien Flouriot, y voit un signal très fort. « Les internes ne sortent pas beaucoup dans la rue, les dernières fois c'était pour protester contre la loi Touraine en 2015 et la réforme du troisième cycle en 2017 », se rappelle-t-il. Et de poursuivre, « ils n'ont pas la culture syndicale, le fait de rejoindre les médecins et les paramédicaux montre que les soignants sont soudés ». Les jeunes exigent un arrêt des fermetures de lits, l'embauche du personnel nécessaire, une réforme de la gouvernance et un investissement massif dans la fonction publique hospitalière.
Le Syndicat représentatif parisien des internes de médecine générale (SRP-IMG) a lui aussi fait savoir qu'il participerait à cette mobilisation. Le pataquès autour des choix de poste en pédiatrie reste en travers de la gorge des futurs généralistes franciliens. « Les services hospitaliers sont en manque de personnel médical et les internes pallient ce manque », résume Hélène Souchu, présidente du SRP-IMG. En allant dans la rue, ils exprimeront « leur colère » et « leur indignation face au manque de considération dont ils souffrent » à l'hôpital.
Les deux structures s'alignent sur les demandes du collectif inter-hôpitaux. « Il faut plus de moyens, de matériels et de soignants. On en paye aussi les frais », tonne Julien Flouriot. « Il y a un glissement de tâches vers les internes et les externes menant à des responsabilités plus importantes alors que nous sommes en formation », détaille-t-il. Les juniors des hôpitaux de Paris réclament aussi la mise en place d'une prime « vie chère ». « Un interne francilien gagne en moyenne 7,85 euros brut par heure de travail, toutes primes comprises, contre un SMIC horaire brut à 10,03 euros au 1er janvier 2019 », s'indigne le SIHP.
Force de frappe
Dans la perspective de la journée test du 14 novembre, le renfort des quelque 6 000 internes de la région Île-de-France (un sixième de l'effectif total) est précieux pour le collectif inter-hôpitaux. Ce dernier ne pourra pas compter, à ce stade, sur la mobilisation effective des autres villes puisque l'InterSyndicale nationale des internes (ISNI) s'est contentée d'un simple « soutien ». La date retenue du 14 novembre intervient seulement dix jours après le début du semestre d'hiver… Mais l'ISNI n'est pas en reste sur le fond puisqu'elle sonde ce soir ses troupes en vue d'une grève nationale « illimitée » en décembre (voir encadré), autre indice d'une possible extension du conflit hospitalier.
Au-delà des internes, plusieurs structures de jeunes praticiens – comme le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), le Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM) ou l'organisation Jeunes Médecins – ont également appelé à participer à la journée d'action du 14 novembre.
Le Pr André Grimaldi, héraut du collectif inter-hôpitaux, ne cache pas sa volonté d'embarquer tous les étudiants et internes dans le conflit. « Pour des raisons éthiques, les soignants seniors ne peuvent pas faire la grève des soins, analyse-t-il. Ceux qui le peuvent sont les paramédicaux ou les médecins encore en formation, ils ont une force plus grande ». Et le diabétologue l'assure, « quand les internes sont dans la rue, le gouvernement recule ». En 2009, la ministre de la Santé Roselyne Bachelot l'avait reconnu : « Les jeunes médecins qui descendent dans la rue, c'est comme le dentifrice qui sort du tube. On ne sait pas comment les faire rentrer ».
*AMUF, Action praticiens hôpital (APH), SNPHARe, CGT, FO, CFDT, SUD, CFE-CGC, UNSA, trois collectifs de soignants (inter-urgences, inter-blocs, printemps de la psychiatrie) et une organisation d'usagers (Coordination nationale).
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